L'histoire :
C'est le début de l'été et les vacanciers convergent vers Polovos (!) les Flots. En train, en voiture pleine à craquer, en 4x4 qui consomme des quantités astronomiques de gasoil ou en décapotable, une masse de touristes va se retrouver sur l'immense plage de sable. A l'arrivée, c'est marée basse et des nuées de pêcheurs amateurs sont à la recherche de palourdes, pendant que tout le monde s'installe au bord de l'eau. Commence alors le ballet incessant des personnages du bord de mer en été. Les familles nombreuses et leurs enfants qui courent partout croisent les retraités qui se promènent. Des hommes célibataires tentent d'aborder de jolies femmes plongées dans leurs livres, pendant que des groupes d'amis commencent à se disputer pour les corvées du soir. Des chiens courent en rond, des voisins de serviettes font connaissance, et des hommes trop sérieux pendant le reste de l'année retombent en enfance. Un petit monde se met en place sous un soleil sans nuages, rapprochement improbable de personnalités et d'origines sociales, sans autre enjeu que se laisser vivre au soleil. Même les ouvriers qui repeignent les grilles en fer du bord de plage le font à un rythme de sénateur. Tandis qu'une famille à bouée travers un passage piéton comme les Beatles à Abbey Road...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est un objet inattendu sous bien des aspects que nous proposent Pascal Rabaté et David Prudhomme, puisqu'ils racontent simplement la première journée des vacances au bord de la mer... de tous les vacanciers qui s'y trouvent. Le vieux couple de campeurs qui revient chaque année, les familles qui se ressemblent et vivent toutes au rythme des jeux de leurs enfants, ou ceux qui les observent avec un dédain mêlé d'envie. Malgré le quotidien routinier qu'ils décrivent, les auteurs parviennent à distiller dans ces pages surprenantes une drôle de poésie décalée, légère et inattendue. L'album est parsemé de petits moments de contemplation moqueuse mais indulgente, tournant les corps en objets burlesques, transformant la longue plage de sable en un ballet savant. Il y a des touches de pure rêverie dans ce livre au ras du sol, ou plutôt les pieds dans le sable. A travers les motifs de deux chaises de plage, ou dans le profil de sphinx d'un homme assis survolé par une mouette, les bras couverts de tatouages et un petit râteau vert à la main. Une transformation surréaliste ou enfantine du réel que seuls des auteurs sereins dans l'exercice de leur art peuvent toucher, sans explication, sans mise en perspective. Une jolie sortie de route dans laquelle on s'abandonne très vite, le sourire aux lèvres. Un album absolument inattendu, mais résolument original.