L'histoire :
Pour Heimat, tout a commencé par une rencontre inopinée à New-York dans les années 2000. Nora Krug est sur le toit-terrasse de l'immeuble d'une amie. Elle vient de Berlin pour faire ses études dans la ville qui ne dort jamais. Une vieille dame entend leur conversation et lui demande d'où elle vient. Nora répond « d'Allemagne ». La vieille dame répond : « C'est bien ce que je pensais ». Nora découvre que cette femme est venue il y a très longtemps. Elle raconte comment elle avait survécu au camp de concentration, parce qu'un des gardes l'avait sauvée au dernier moment. Elle pense qu'elle a échappé à une mort certaine car la gardienne était secrètement amoureuse d'elle. Et ce, 16 fois sur le seuil des chambres à gaz... Cette histoire retourne littéralement Nora. Elle se souvient de son enfance à Karlsruhe, dans le sud de l'Allemagne. Nous sommes en 1980 et Nora ressent une émotion bizarre, comme si quelque chose avait mal tourné par le passé. Elle se rappelle de l'un de ses livres préférés quand elle était petite, Der Struwwelpeter, une anthologie d'histoires illustrées sur le thème des enfants qui se font punir pour mauvais comportement...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aujourd'hui, Nora Krug est installée à New-York. Née en 1977 en Allemagne, elle continue à être hantée par les ombres de la Shoah et le régime nazi. Elle choisit d'exhumer ce lourd passé qui continue de peser sur la terre de ses ancêtres de longues décennies après la chute du régime nazi. Heimat (« maison » en allemand) se construit peu à peu dans la tête de la jeune femme mariée à un juif new-yorkais. Dans ce véritable roman graphique, elle alterne entre pages de textes illustrées de photos de personnages, de visuels d'herbier, de câbles ou encore de coupures de journaux ou de dessins, avec de vraies pages de bande dessinée, donnant du rythme à l'ensemble. Mais au-delà des dessins symboliques, c'est surtout la force du récit qui prend aux tripes. Elle montre comment des générations entières sont accablées d'une culpabilité dont ils ne sont en rien responsables. Leur rôle est au contraire de ne pas tomber dans les travers et les horreurs commises par leurs aînés. Heimat montre aussi comment les allemands sont perçus, malgré eux, de façon caricaturale dans les autres pays. Elle décrypte et recolle les morceaux de son histoire familiale, n'hésitant pas à fouiller dans l'histoire de la propagande du IIIème Reich et dans les archives familiales, avec un oncle soldat mort et enterré en Italie, et un grand père aux antécédents controversés. Porteur d'un message fort, Heimat ne passe pas inaperçu (Sélection Angoulême 2018). Il fait partie de ces livres qui vous font prendre conscience que le passé ne doit pas être oublié pour mieux avancer en changeant demain. Forcément utile quand on voit les partis extrémistes revenir sur le devant de la scène lors des élections allemandes de 2017...