L'histoire :
Jadis, à Saint-Saturnin, il y avait une fontaine, et donc un café de la fontaine. Mais à la destruction de la fontaine (qui gênait la circulation), le bistrot a périclité. Il était tenu par des vieux, il n’y avait plus assez de monde et les propriétaires l’ouvraient de manière trop aléatoire pour fidéliser la clientèle. Résultat : un jour, l’un des propriétaires cassa sa pipe, sans que la population ne s’inquiète vraiment si c’était le mari ou la femme. Quand le pompiste voisin s’intéressa au rachat de l’immeuble, pour s’agrandir, le notaire lui notifia qu’une cousine de Balarin-les-flots avait hérité et qu’elle souhaitait que le commerce reste un bistrot ! C’est justement de là-bas qu’arrive un beau jour le nouveau tenancier, Emile. En tant qu’ancien garçon de café, il sait comment ça marche. Il change l’enseigne, « Chez Emile », jette les rideaux jaunis, met des fleurs, laisse la porte ouverte, fait régulièrement le ménage, ne ménage pas sa peine et surtout, il a un rire communicatif. Or dès que quelqu’un rit avec Emile, ce dernier le tutoie et l’appelle « Mon ami ». Rapidement, le bar devient un point de rendez-vous pour les vieux, les jeunes, les riches, les pauvres, les petits, les gros, les tordus… Tout le monde adore être l’ami d’Emile. Même le pompiste voisin, qui en oublie son envie d’agrandissement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce Bistrot d’Emile, le touche-à-tout Bruno Heitz nous convoque à une forme de chronique rurale, avec quelques relents de léger polar « de proximité ». A l’aide d’un dessin caricatural et rapide, en noir et blanc, son développement chronologique à la fois classique et immersif se rythme selon des chapitres successifs. Au sein d’une petite ville de province appelée Saint-Saturnin (il y en a 7 en France, mais celui-ci est provençal), on est tout d’abord initié à l’historique d’un commerce traditionnel : un café. Puis on est présenté au nouveau tenancier jovial et attachant de ce bistrot : Emile. Enfin, une habitante s’interroge sur la fermeture et la disparition de ce dernier, et mène l’enquête pour comprendre à la fois ce qu’il lui est arrivé et à qui appartient exactement ce bistrot. La narration à l’ancienne semble tout droit venue de l’âge d’or de la BD, mais elle n’en est pas moins efficace et ne lâche pas son lecteur avant la fin. Si le cœur du propos de Hertz est clairement la France provinciale intemporelle, il y a des secrets, des surprises et même une explosion. On abandonne le personnage ambivalent d’Emile avec autant de réponses que de questions… et on apprend que ce petit bouquin à reliure souple n’est que le premier d’une série. Un titre par an est annoncé, avec un tome 2 qui s’intéressera l’année prochaine à la coiffeuse de Saint-Saturnin, Tiff’Annie.