L'histoire :
Un petit garçon de huit ans joue avec une sorcière et un super héros. Sa grand-mère le retrouve sous l’escalier. Ils sont tous les deux en noir, le petit garçon vient de perdre ses parents. Il vivra désormais chez sa grand-mère. Elle est un peu excentrique avec ses cheveux violets et ses cigares toujours à la bouche, du petit-déjeuner au coucher. Pour autant, elle s’occupe bien de son petit-fils, l’accompagne et lui raconte même des histoires de sorcières. Elle en a connu, elle en sait même un rayon depuis que son amie dépendance a disparu, emportée par une sorcière… Elle connaît maintenant beaucoup de choses à leur sujet, qu’elle partage avec le petit garçon. Notamment, elle lui explique que les sorcières ne sont pas des femmes mais des créatures qui prennent l’apparence de femmes : elles ont des perruques, des narines frétillantes et recoupées pour mieux sentir les enfants, une pupille teintée de cristaux de glace et des flammes qui dansent, une salive bleutée, des pieds carrés et des gants pour cacher leurs doigts fripés. Lorsqu’une sorcière essaie d’amadouer dans le jardin, la grand-mère est sur ses gardes, fume plus que de raison, tombe malade. Son médecin l’envoie en cure, au bon air, dans une station thermale dont l’hôtel accueille un congrès de sorcières… Le cauchemar commence.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sacrées sorcières est un roman jeunesse de Roald Dahl, l’auteur de Charlie et la Chocolaterie ou Matilda, paru en 1983. Pour l’adapter en BD, Gallimard et les représentants de Roald Dahl ont choisi Pénélope Bagieu, devenue star planétaire depuis Culottées et le prix Eisner qui est allé avec. Bagieu, c’est la certitude, d’abord, que le ton soit toujours aussi enlevé. Le génie de Roald Dahl est d’avoir une langue vive, inventive et une narration très rythmée. Bagieu donne à son récit un nerf, une fantaisie tragicomique qui est d’une grande fidélité à l’œuvre, sans être servile. On n’en attendait pas moins de l’autrice de California Dreamin’, mais ça va mieux en le disant (et en le lisant, au passage). Pénélope Bagieu a mis l’histoire à sa main, l’a transformée, avec notamment une grandissime sorcière encore plus terrifiante que l’originale, à mi-chemin entre un Gremlins et Cat Woman. On est loin de la vieille ratatinée de Roald Dahl, décrite en inventant des mots savoureux. L’accent avec les r roulés à l’infini disparaît aussi, pour une grandissime plus à la page, plus working girl. Bien entendu, la grande difficulté reste de passer des descriptions très imagées de Dahl à une œuvre graphique. Bagieu s’en sort très bien, adaptant parfaitement son rythme narratif pour une adaptation très agréable à lire, aussi terrifiante que l’original et à peine moins drôle et décalée. Pour autant, son propos est tout aussi intéressant, grâce à son choix de transformer l’acolyte du héros, Bruno, un garçon en surpoids, par une belle jeune fille, volontaire et courageuse. L’intrigue gagne à leur complémentarité. La grand-mère, pour laquelle l’autrice s’est inspirée de la sienne, est savoureuse. Le dessin vif est coloré, très dynamique, et le lecteur est transporté au long de quelque 300 pages… C’est une vraie belle réussite, une transposition intelligente d’un roman de jeunesse qui ne prenait déjà pas les enfants pour des buses. A lire.