L'histoire :
Les Pouilles, fin du Moyen-Âge. Le savant Hannibal Qassim El Battouti a été chassé de Bagdad par un iman désireux de ne pas laisser la réflexion scientifique prendre l’ascendant sur le dogmatisme religieux. Accompagné par sa fille Houdê et son esclave El Ghoul, il trouve refuge en Italie, dans l’une des demeures de l’empereur Frédéric II. Il est accueilli par Hermann Von Salza car le suzerain surnommé la Stupeur du Monde, n’est pas encore arrivé. Dans le château de Castel del Monte, le savant se met à développer une nouvelle camera oscura dans le plus grand secret. Les membres de l’entourage du roi sont circonspects devant l’intérêt d’une telle invention. Pour mener à bien son entreprise, il a besoin du manuscrit d’Alhazen : « Kitab el Manadhir el Thani ». Mais le bibliothécaire ne peut lui remettre cet ouvrage sans l’aval de la Stupeur du Monde, ce qui met en rage Hannibal. De son côté, Houdê, dotée d’une mémoire incroyable, retranscrit les passages entiers de traités d’optique, de géométrie et de chimie nécessaires à la création de la camera oscura de son père…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est par un heureux hasard que Néjib a trouvé l’inspiration de Stupor Mundi. Pendant ses vacances, il se rend compte que la place du village et tout ce qu'il y a autour est projetée dans l’image de sa chambre, par un trou dans les volets, à l’image d’une camera oscura. Partant de cette idée, il se renseigne sur le sujet et découvre qu’elle a été théorisée et mise en pratique par le père de l’optique moderne, Alhazen (965-1039). Il décide de créer de toutes pièces un descendant imaginaire de ce savant : Hannibal Qassim El Battouti. Autour, de ce personnage, il crée un récit évoluant dans un contexte réel. Dans le château de Castel Del Monte, Frédéric II a rassemblé et protégé les plus éminents scientifiques de l’époque. Courageux, dans un contexte où la raison scientifique devait composer avec le religieux. C’est là d’ailleurs la thématique du scénario de Néjib. Ironie de l’histoire, Hannibal quitte un obscurantisme pour en retrouver un autre. Rapidement, son invention de camera oscura servira les desseins de la chrétienté, bien qu’il ne le sache pas au début. Néjib tisse un récit dense où les illusions sont légions (l’explication du Saint-Suaire), le passé est enfoui, prêt à resurgir (Houdê retrouve la mémoire grâce à des séances de psychanalyse d’un certain Sigismond) et les références nombreuses (Le Nom de la Rose, David Hockney, Freud...) Chaque personnage révèle sa nature profonde à mesure que les pages se succèdent (on découvre pourquoi El Ghoul porte un masque). Graphiquement, Néjib passe un cap, avec un dessin (Vivèsien !) plus abouti que lors de ses derniers albums (le personnage d’El Ghoul qui ressemble au Capitaine écarlate de David B.) De toute évidence, Stupor Mundi est l’une des belles surprises du moment !