L'histoire :
Béatrice (Béa), très jeune femme à peine sortie de l'adolescence, a décidé de fuir de chez elle en prenant le bus. Elle se ravise au dernier moment et erre dans les rues agitées d’une ville du Texas, avant de se faire prendre en auto-stop par Lou, une voisine, d'à peine dix ans son aînée, partie elle aussi à l'aventure avec sa mini caravane. D'abord tendue et conflictuelle, leur relation va évoluer sur la route. Et tandis qu'elles se dirigent vers San Angelo, chez les grands-parents de Lou, la découverte d'un chat portant une médaille indiquant la ville de West, cartographiée nulle part, va transformer leur voyage en échappatoire initiatique. D’autant plus que de singuliers personnages vont les prendre en chasse. Ce sera aussi l’occasion pour Béa de se révéler à elle-même...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tillie Walden, américaine née en 1996, porte juste l'âge de ses protagonistes. On Imagine donc fort bien son attachement aux personnages et leurs vécus, leurs émotions. Cette demoiselle ayant déjà reçu un prix Eisner de la meilleure œuvre inspirée de la réalité en 2018 pour Spinning, et un prix Ignatz pour J'adore ce passage (tous deux Chez Gallimard) a indéniablement du talent, et une patte singulière. Dans ce road movie ou deux jeunes femmes se révèlent à elles-mêmes, à l'occasion d'une sorte de quête, d'abord classique, puis ensuite fantastique, l'onirisme se frotte continuellement à la réalité crue. Lou et Béa ont en effet toutes deux une vie compliquée, et la fuite de l'une, dictée par des événements dramatiques familiaux (les thèmes de l’homosexualité et du viol sont abordés dignement dans cet ouvrage), va justement être non seulement l'élément déclencheur de leur rapprochement, mais aussi le catalyseur de la disruption de la réalité. Si leur vie va basculer, il va en être de même pour les formes de cet album, qui va se plier, au sens propre, aux volontés exaspérées de l'autrice/actrice (Tillie/Bea), rendant toute logique inutile. Dés lors, rien ne sera comme avant. Tillie Walden a des choses à raconter, c'est certain, et son féminisme est au moins à la hauteur de sa poésie. Peut-être devrait-elle cependant davantage synthétiser son propos, et mieux penser ses dialogues. Car toute la première partie ne réussit que peu à convaincre, surtout avec un dessin stylé « Web Toon » pas franchement des plus séduisant. Lorsqu'il s'agit de 75 pages sur 308, Il faut être sacrément motivé, comme pour finir un mille feuilles. La route de West se mérite... ce ne sera plus un mystère.