L'histoire :
Quelques semaines seulement après la catastrophe de Tchernobyl, Nicolas et Guy sont partis vers l'Est de l'Europe, avec en tête d'atteindre le sud de la Turquie. Au volant d'une Citroën Visa au moteur poussif, remplie de livres qu'ils ont voulu emmener avec eux, les deux cousins s'apprêtent à dormir. Pour éviter de s'exposer aux animaux sauvages, ils décident de s'allonger sur le toit de la voiture. Ils dorment très mal et sont réveillés par deux hommes amusés dont le véhicule est chargé des tapis qu'ils vont vendre quelque part. Sous la lumière du soleil qui se lève, ils prennent le temps de montrer aux deux français quelques uns de leurs modèles qu'ils étalent sur le sol, puis s'en vont. L'idée de ce voyage improbable est venue en découvrant l'épave de la voiture au fond du jardin, quelques réparations de fortune et un optimisme démesuré emmènent deux jeunes hommes parisiens vers une balade pas très bien planifiée. En quittant la France, ils vont traverser des pays encore tenus par l'influence de l'URSS, en toute insouciance et sans parler autre chose que quelques mots d'anglais, d'allemand ou d'italien. Les souvenirs de leur enfance dans le véhicule familial sur la route des vacances les accompagnent, et les vers d'Henri Michaux écrits sous influence. Les surprises vont être nombreuses, retranscrites à travers des souvenirs brumeux, une réalité ancienne devenue une suite de moments symboliques dont Nicolas se souvient...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est un Nicolas de Crecy étonnant que l'on découvre dans ce road movie très réaliste, qui relate les souvenirs de l'auteur d'un improbable voyage en voiture à travers l'Europe, dans les années 80. Si son style graphique est toujours très reconnaissable, ses couleurs uniques, ses contours faussement irréguliers, il ne met plus en scène des créatures aux silhouettes étranges, mais deux cousins tout à fait humains. Une belle balade décidée sur une sorte de coup de tête, par deux jeunes hommes qui veulent aller découvrir des choses. Ce long road movie reste connecté avec le monde onirique dont l'auteur a toujours imprégné son travail. Mais ici, il se fait à travers l'incursion du poète surréaliste Henri Michaux, dont les vers peuplent les pensées du héros principal, et qui apparaît parfois. Les rencontres inattendues sont elles aussi décrites comme des moments presque magiques, improbables et qui doivent laisser des souvenirs impérissables. Ce premier épisode se déroule avec une belle sérénité. Il partage avec le lecteur des émotions très personnelles et offre des paysages très beaux. Le talent de créateur d'images de De Crécy est unique. Certaines pages sont absolument superbes, avec ces déclinaisons multiples de rose et d'orange qu'il affectionne. En posant un regard sur ses propres aventures de jeunesse, tout comme en réalisant ce travail plus traditionnel, Nicolas de Crecy franchit certainement un cap de maturité. Et devrait s'ouvrir à de nouveaux lecteurs plus classiques, qui tomberont sous le charme d'un des artistes les plus personnels de la bande-dessinée française.
