L'histoire :
Dans sa maison de Clocher-les-Bécasses, Bécassine garde Oscar, le fils âgé de 5 ans de Loulotte, amie proche et actrice de cinéma. Comme tous les bambins de son âge, Oscar est turbulent, innocent et crédule. En journée, il est hyperactif : il terrorise la basse-cour, saute dans les charrettes de foin, dans les mares aux grenouilles, fait du rodéo sur les cochons, chasse les papillons dans les prairies, dévale les pentes dans une caisse à savon, pèche la truite, se balade en échasses… et le soir venu, il saute encore sur son lit, alors que Bécassine aimerait lui lire calmement une histoire pour l’endormir. Or évidemment, les histoires de princesses gnangnan, ça n’est pas franchement sa came, à Oscar. Alors Bécassine lui raconte l’histoire vraie de sa venue aux Amériques, lorsqu’elle s’y est rendue pour la première fois juste après sa naissance, afin de faire sa connaissance. Bécassine avait alors fait la traversée Atlantique sur un paquebot pour touristes, en compagnie de John Pie, un acteur en vogue. Le beau jeune homme était tellement harcelé par les fans, que son impresario avait trouvé un deal avec Bécassine : elle devait se promener au bras de John sur tous les ponts du navire, afin que la gente féminine lui fiche la paix…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans les années 2000, Chantal Goya avait osé le revival de sa chanson remixée à la sauce techno, Bécassine is my cousine. Qui aurait parié sur le retour de l’ingénue bigoudine également au ciné (par Denis Podalydès) et surtout en BD, 113 ans après la création du personnage ? (sa première apparition date de 1905) Certes, la sauce narrative et graphique savamment préparée par Eric Corbeyran au scénario et Béja au dessin n’a rien de techno. C’est même tout le contraire. Après un premier tome des Vacances de Bécassine en 2016, la nigaude provinciale et centenaire revient en mode baby-sitting, pour une intrigue établie dans l’entre-deux-guerres (environ). Elle doit garder un gamin légèrement turbulent et se fait finalement rouler dans la farine par une autre gamine plus retorse… avant de participer à une soirée d’halloween. En grand professionnel du scénario, Corbeyran trouve le juste compromis entre le respect de l’œuvre originelle de Caumery et Pinchon, et les modes de lecture modernes du 9ème art. Une pure gageure, brillamment relevée, jusque dans les dialogues qui osent parfois le phrasé rural sans que ce ne soit jamais pénible. En somme, on retrouve le ton candide et bon-enfant, mais la narration enlevée incite à se laisser porter par cet aspect suranné et sans prétention. De même, le dessin de Béja se borne à une rigoureuse et élégante ligne claire. Sa bécassine à tête ronde, sans bouche, et mise en scène sur des éléments de décor d’époque, s’anime via un subtil entre-deux quant au dynamisme des cadrages et des mouvements. Le découpage sans bordure de case, à l’exception de la systématique indispensable case ronde à chaque page, contribue aussi au respect de l’œuvre. A l’instar du film de Podalydès, qui n’a guère connu de succès public, le seul vrai bémol à ce revival, c’est le lectorat-cible… Qui, de nos jours, est emballé à l’idée de suivre le quotidien bénin et naïf d’une bretonne godiche face aux gentilles bêtises de gamins d’un autre temps ? Ma doué…