L'histoire :
Fatou se lève tôt, le matin, pour aller nettoyer des locaux où les gens débutent leur journée bien après elle. C'est une de ses voisines d'immeuble, la propriétaire de son appartement, qui s'occupe de ses trois filles. Elle n'aurait évidemment pas les moyens de se payer une garde d'enfants. D'ailleurs, elle commence à accumuler les loyers en retard. Un soir, alors qu'elle est train de s'assoir devant la télévision, deux hommes lui rendent visite. Ils savent qu'elle élève seule ses enfants, que les fins de mois sont impossibles. Ils vont insister pour lui confier un travail dans le cadre de leur « business ». Ils déposent chez elle une caisse dont elle n'a pas à connaitre le contenu, et plusieurs fois par semaine, en son absence, ils viendront y déposer ou y chercher ce dont ils ont besoin. Elle n'a rien à savoir de plus, et tous les vendredis elle sera payée en liquide. Une somme qui dépasse largement son salaire, chaque semaine. Elle va pouvoir payer ses dettes, acheter le nouveau réfrigérateur qui lui manque, prévoir un voyage avec les enfants. Mais depuis un appartement de l'immeuble en face, des caméras et une équipe de policiers surveillent tout le trafic, du hall d'immeuble aux allées et venus dans les appartements. La descente est imminente.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Impossible au vu du titre de l'album de comprendre de quel type de nourrice il va être question. On le découvre et on le comprend vite, avec une intrigue qui monte en tension de manière très efficace. On est totalement aux côtés de Fatou qui s'est laissée impressionner par les caïds du quartier, et tenter par l'argent facile dont elle avait tellement besoin. Lorsque l'album démarre réellement avec la police qui défonce les portes des appartements, on n'est qu'au début de tout ce que ce récit apporte. On y découvre la personnalité extraordinaire de l'héroïne du récit, mais aussi en filigrane des fragments de la vie dans l'immeuble. La femme retenue par son mari musulman radical, qui trouve dans la défense de Fatou une manière de se libérer de son quotidien ; les enjeux de la rivalité entre gangs lorsqu'ils auront compris ce qui est probablement arrivé à ce que Fatou cachait chez elle. L'un des deux scénaristes est par ailleurs commissaire de police. On n'est pas surpris de la crédibilité et du réalisme de cette histoire, qui n'a pas besoin de montrer la violence pour qu'elle soit très présente. Raphaël Pavard au dessin signe son premier album. Une belle réussite réaliste, en couleurs directes, sur plus de cent pages, un talent très prometteur qui a la chance de s'appuyer sur un scénario en béton. La couverture de l'album est d'ailleurs magnifique, le contraste entre ce titre surprenant et Fatou à son balcon qui regarde le parvis de la cité en contrebas. Un album captivant, solide et original.