L'histoire :
A Verezzi, en Italie, 80 ans après le départ de ses grands-parents fuyant le fascisme pour l’Amérique du sud, une jeune argentine, Iris, prend possession de la maison familiale en compagnie de son compagnon, Ismail. Elle est dessinatrice. Lui, donnera des cours d’arabe à l’école de langue, et des cours de calligraphie aux beaux-arts. Mais avant cela, il doit retourner quelques temps dans son pays, régler des questions administratives, voir ses parents, etc. Alors qu’elle se retrouve seule, dans cette grande maison lumineuse qu’ils n’ont pas encore aménagée ensemble, Iris apprend qu’elle est enceinte. Sa tante Tiz, qui est médecin, la tranquillise et la rassure. Mais elle se souvient aussi de Maïté, la mère d’Iris, 36 ans auparavant, de sa rage d’être enceinte… Iris, elle, est heureuse, et elle décide d’attendre quelques jours pour l’annoncer à Ismail. En attendant, elle écrit des lettres à cet « amour minuscule » qui pousse dans son ventre. Le problème, c’est que le pays d’Ismail, la Syrie, s’est enfoncé beaucoup plus vite dans le chaos que ce qu’il ne pensait… Il est enlevé, sans pouvoir donner de nouvelles. Une très longue attente commence pour Iris, qui va mettre à profit ce temps pour en apprendre sur sa vie, sur elle et sa famille.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après le beau succès du Port des Marins Perdus, déjà chez Treize étrange, Teresa Radice et Stefano Turconi reviennent avec un roman graphique fleuve de plus de 300 pages ! L’histoire est d’une grande richesse. Une histoire d’amour, certes, et de famille aussi. L’histoire d’un couple de vieux jeunes, ayant dépassé la trentaine, un universitaire et une dessinatrice, qui ont bourlingué et ont enfin trouvé l’âme sœur. Mais le passage à la famille n’est pas simple, d’autant qu’Iris ne connaît pas son père, que sa mère est une hippie à moitié folle, et qu’Ismail vient de laisser les siens dans un pays à feu et à sang. C’est une histoire d’attente et de confiance en la vie, du côté d’Iris qui fait face à ses antécédents familiaux, et de confiance et de lutte pour la survie pour son compagnon. C’est aussi une histoire de voyages, de citoyens du monde, elle italo-argentine, lui syrien ; mais aussi de migrations, celle de ses ancêtres à elle, celle de ses pairs à lui. Le lecteur suit avec passion les amours contrariées de ce beau couple, lui musulman, elle catholique déçue, lui mat de peau, elle blonde comme les blés. Alors qu’Ismail doit livrer le combat de sa vie, pour sa vie, Iris, elle, est dans la construction d’un être, cet « Amour minuscule » à qui elle écrit de belles lettres sur la vie, mais aussi dans la reconstruction de sa vie. Car tous les gens importants qui gravitent autour d’elle, qui l’aiment, ont aussi un passé, des blessures, des secrets qu’elle découvre (ou pas) petit à petit. Hymne à l’amour, hymne à la vie, hymne à la tolérance et à l’acceptation des différences, cet Amour minuscule ébranle et émeut. Le crayon de Stefano Turconi croque avec délicatesse et sensibilité cette histoire, entre cases détourés et ouvertes, enchaînements rapides et cases-planches majestueuses… C’est beau dans l’esprit et beau-beau graphiquement, comme ces rayons de soleil perçant les nuages au-dessus du port de Gênes à peine ébauché, qui inaugure l’album… Le lecteur ne pourra sortir de là qu’heureux et en accord avec la vie. C’est un sacré pari réussi.