L'histoire :
Bidouille est un enfant ultra timide et peu sûr de lui. Comment donc vivre avec l’amour fort qu’il ressent pour Violette, alors qu’il est incapable de lui parler normalement ? De plus, la jeune fille est harcelée constamment par cinq garçons très entreprenants qui montrent ostensiblement leurs sentiments. Tous les jours, les lycéens du lycée Machin apportent des fleurs à Violette. Bidouille se sent encore plus mal car ses concurrents sont de beaux garçons de parents fortunés, tandis que lui est gros et d’un père marchand de frites ! Il est persuadé qu’il n’a aucune chance et il essaie de se faire une raison. Pendant plusieurs mois, il ne peut pas même lui adresser la parole, tellement il tremble devant elle. Un jour, pourtant, il décide de tenter sa chance. Il est incapable de déclarer ses sentiments, encore moins en présence de la belle. Un ami lui suggère alors de lui offrir un cadeau pour lui manifester son intérêt. Il décide alors de jouer la carte de l’originalité. Au lieu de faire comme tous les autres qui ne cessent de lui offrir des fleurs, Bidouille lui donne un cornet de frites ! Violette semble très touchée et parait aussi mal à l’aise que Bidouille devant la situation. Deux mois plus tard, notre héros lui demande un rendez-vous, le premier ! Ô miracle : elle accepte !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bidouille et Violette est la première série d’Yslaire, qui n’avait pas encore ce pseudonyme et signait encore sous son vrai nom : Bernard Hislaire. Parue dans Spirou dans les années 80, l’œuvre était épuisée depuis longtemps. Glénat a la bonne idée de publier à nouveau la première série du maître en une belle intégrale. C’est une opportunité pour le lecteur de replonger dans une époque désuète de la bande dessinée. Dans la lignée du journal Spirou, Bidouille et Violette sent bon le conte enchanteur, l’évasion pleine d’innocence et de poésie. L’amour est le thème fort de la série et le couple de lycéens rappelle les couples mythiques de la littérature (Roméo et Juliette ou Tristan et Yseult). A l’image de ces illustres pairs, Bidouille et Violette doivent franchir quelques obstacles dont certains (les plus douloureux) sont dressés involontairement par leurs actions. On suit par exemple les mésaventures de Bidouille qui n’arrive pas à vaincre sa timidité maladive. Tout semble sourire au couple, pourtant ils enchaînent les doutes, les questions et les désillusions. Il faut éviter une famille trop curieuse, esquiver les devoirs pour se voir secrètement, vaincre la jalousie, sortir de soi et parler de ce que l’on ressent. L’amour n’est pas de tout repos, mais c’est le lot de la passion qui unit les deux amoureux. Hislaire n’a pas son pareil pour représenter les affres du cœur : ses envolées lyriques comme ses chutes tragiques, ses moments de bonheur comme ses angoisses. Certaines descriptions sont magnifiques de poésie et rappellent les grands de la littérature française : le cri de Violette qui clame son droit d’aimer malgré son jeune âge est digne des poésies de Musset. Le dessin plein de délicatesse représente à merveille ce conte de fées que vivent les deux amoureux : Violette est sublime avec ses grands yeux expressifs, tandis que Bidouille est touchant d’authenticité et de simplicité. Le couple est d’autant plus crédible qu’il est représenté simplement et avec justesse. C’est aussi la beauté de l’ouvrage : beaucoup se reconnaîtront dans ce tableau de l’amour idyllique. L’enfance de Bidouille est criante de vérité : ses relations avec un père seul et aimant, sa lassitude de l’école, son manque de confiance en lui. Le monde d’aujourd’hui participe aussi à cette plongée dans le réel et la vie. Au milieu des choses sans intérêt, deux enfants vont s’envoler loin de la ville, nageant en plein rêve. Les intrigues sont simples et les rebondissements prévisibles, mais toujours touchants de sensibilité et de poésie. Le graphisme d’Hislaire est aussi assez classique et copie le modèle des artistes du journal Spirou, mais il y glisse quelques trouvailles particulièrement bien senties (la bouche en cœur de Violette quand elle a Bidouille au téléphone ou le mélange des mathématiques et des pensées amoureuses). A noter que l’ouvrage comporte également quelques dessins inédits entre les tomes, superbes réalisations aux couleurs sépia. L’occasion de découvrir les premiers pas d’Yslaire qui restera toujours un auteur touchant de romantisme et de sensibilité.
