L'histoire :
Blaise est un garçon âgé d’une dizaine d’années, peu sur de lui, mal dans sa peau, avec une vraie gueule de con. Mais ça n’est pas de sa faute, il a des circonstances atténuantes : son père est un con, sa mère est une conne et même sa grand-mère mérite des baffes. En fait, tous les fondements éducatifs de la famille semblent reposer sur des principes sociaux et civiques abominables. Par exemple, l’argument pour lui interdire de regarder le film porno du soir, c’est qu’il est diffusé très tard et que demain y’a école… Blaise « s’éveille » ainsi au monde, à base des pires arguments qui puisse être évoqués. Et dieu sait si le monde va mal ! Les subalternes bossent non-stop, les grèves sont le lot quotidien, les partis fachos pulvérisent les scores… Heureusement qu’il y a la guerre, ailleurs, pour rire un peu ! Heureusement aussi qu’il y a Dabi Doubane à la télé, la star prémâchée du moment. Ce champion olympique souriant et sympa, issu de la classe populaire et néanmoins aujourd’hui meilleur ami du président, défend de nobles valeurs morales, s’engage dans mille causes humanitaires et sponsorise les plus grandes marques…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Blaise se présente comme un recueil de gags en une planche, un format traditionnel pour un contenu inversement novateur. L’humour déroulé par Dimitri Planchon est en effet ultimement grinçant, le cynisme social dans toute sa splendeur. Blaise, c’est un peu La vie est un long fleuve tranquille puissance 10 ! Les protagonistes et la société toute entière ont placé les apparences bien au-dessus de la morale et sont devenus affligeants de connerie. On se marre de la guerre, on n’assume pas publiquement ses idées, on adule la télé prémâchée, on répercute ses irritations sur les faibles, indifférents à leur condition… En tête, le personnage de Blaise, passif et soumis, psychologiquement castré à la naissance, est pathétique. Le lecteur rit jaune, mais rit, vraiment, tant la démarche est par moment excessive. Et si cet humour dérange, tant mieux ! Ce type d’humour exorcise de la connerie alentours accumulée, qui nous colle encore un peu au veston en rentrant le soir. Pour mettre cela en image, Planchon innove également dans la forme : le graphisme, plus que le dessin, joue avec des éléments photos-montés à l’informatique. L’auteur varie juste les angles de vue, les yeux et les sourcils, copie-colle les décors et toute une bibliothèque d’éléments (cigarettes, lunettes, mèche de cheveux…) et cela suffit tout à fait à la mise en scène. Ça aussi, c’est assez nouveau et réussi (l’effet produit est un peu celui des Têtes à claques télévisés). D’autres apprécieront également une forme de comique de répétition au dernier degré, dans la récurrence des éléments (le père lit toujours un Blueberry au lit, la famille bouffe invariablement des sushis…). Un humour second degré jubilatoire de cynisme !