L'histoire :
Hirsute, en guenilles, Borb est un clochard dans les rues de New York. Il pue, il se nourrit de ce qu'il trouve dans les poubelles, mais ce n'est pas toujours évident, étant donné qu'il lui manque la moitié des dents et que celles qu'il a sont toutes pourries. A la soupe populaire, un collègue lui conseille de consulter le Dr Mercy, qui dispense des soins gratuits. Malgré l'aspect rebutant de sa dentition et son odeur, le dentiste le prend en charge. Il l'endort, lui arrache tous les chicots et lui pose un dentier tout beau, tout brillant. Borb sort de là fiérot, avec des antibiotiques. Hélas, il fête ses nouvelles dents en abusant de l'alcool. Quand il vomit, son dentier part dans le canal de Brooklyn avec son dégueulis. Borb a beau plonger, il ne le retrouve pas. Le voilà réduit à devoir mâchouiller du bœuf séché. Après une énième cuite, Borb chute dans les escaliers du métro. Fracture ouverte du tibia. Une ambulance l'emmène à l'hôpital, où des médecins réduisent la fracture sans anesthésie et lui posent un plâtre. Quelques heures plus tard, il est dehors, avec des béquilles. Mais il chute de nouveau dans un escalier... Et écope d'une seconde fracture ouverte, à l'autre jambe. Cette fois, il profite de l'hôpital quelques jours, avant que les services sociaux ne lui confient un logement, certes délabré et provisoire. Hélas...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans cette BD mini-format, jadis publiée par les trashos éditions Aaarg!, et aujourd'hui réédité par Glénat sous la bannière Glénaaaarg!, l'américain Jason Little raconte le quotidien réaliste et sordide d'un clochard new-yorkais. A aucun moment on ne connaît ses origines, ni les raisons de sa déchéance, mais on se doute d'emblée que cela va mal finir. Ça va mal finir, mais l'approche de chacune de ses péripéties est foncièrement drôle ! En ce sens, le contexte comique contemporain est un peu hérité de celui des film de Chaplin, dans lesquels l'acteur incarne le célèbre personnage du vagabond, l'horreur glauque en plus. A travers un récit en noir et blanc, quasi muet, composé d'une suite d'épisodes tragiques – mais néanmoins présentés avec légèreté – on assiste donc à un suite d'états de fait, adoptant la forme narrative d'une spirale infernale et mortelle. Borb vomit son dentier, Borb se casse une jambe, puis deux, puis il brûle sa bicoque, flatule dans le squat où il dort, récolte des parasites, une gangrène, il est arrêté pour pédophilie (parce qu'il a cassé sa ceinture et son froc tombe)... Ça va ainsi de mal en pis. Chacun des petits bonheurs simples qu'il rencontre (dans la joie) est systématiquement anéanti par son alcoolisme et plus globalement par son inaptitude à vivre. Il n'y a donc pas d'autre « intrigue » que cette suite linéaire de malheurs, formant au final un tableau terriblement réaliste, quasi documentaire, d'une vie de clochard. De clochard insignifiant, diront à raison les cyniques. L'ouvrage se termine même par un appel au don, tant la perspective de ce genre de destin est marquante. Jason Little compose là une chronique sociale juste, froide, sans concession et pourtant drôle, à en pleurer.