L'histoire :
Ernest le débrouillard tente sa chance dans les rues de Harlem lors d'un concours à la radio, et gagne son billet pour Kinshasa. Edmond le diplomate belge quitte la banlieue chic de Bruxelles pour la capitale zaïroise qu'il connait très bien, où l'attend une affaire très sensible. Blanche la très belle jeune femme, qui rêve d'Amérique, y prépare ses charmes, prête à tout pour accueillir les visiteurs, que ce soit en mission d'espionnage ou pour son intérêt personnel. Le monde entier attend ce qui va être le combat du siècle. Mohammed Ali, en pleine reconquête après trois défaites au début des années 70, veut marquer définitivement son retour au sommet en affrontant George Foreman, le nouveau champion des poids lourds. Les deux américains trouvent à Kinshasa une arène à la portée de leur démesure, accueillis à bras ouverts par Mobutu Sesse Seko, le dictateur désormais à la tête de l'ex-colonie belge. Alors que le combat est retardé pour une blessure mineure de Foreman, Ali fait monter la pression médiatique et construit au Zaïre l'image d'un africain véritable qui va redonner sa fierté à son peuple. La presse le suit avec jubilation, savourant et relayant chacune de ses provocations. Tandis qu'autour de l'événement, les intérêts financiers prennent une ampleur sans précédent...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est aussi bien la mégalomanie d'un dictateur littéralement fou que la fierté légendaire d'un boxeur en fin de carrière que Thierry Bellefroid décrit dans ce récit original remarquablement illustré par Barly Baruti. Tous les personnages imaginaires qui gravitent autour de ces figures historiques bien réelles sont les faire-valoir de ces deux hommes marquants du siècle dernier. Les turpitudes imaginées autour du combat du siècle donnent une idée de l'ampleur de la corruption du régime du dirigeant de l'ex-Congo belge, tandis que les longs préparatifs du match mettent efficacement en scène la hargne de celui qui se rebaptisa Mohamed Ali pour tirer un trait sur son ascendance de fils d'esclaves. Le travail de Barly Baruti en couleurs directes apporte énormément à ce récit linéaire, que ce soit lorsqu'il traduit fidèlement les couleurs d'un marché à Kinshasa, ou lorsqu'il choisit des ambiances irréelles rouges ou jaunes derrière les personnages les moins fréquentables. L'album est visuellement riche, il accompagne très bien les multiples angles développés par le scénariste. Bien entendu, tout amène les protagonistes vers le fameux combat, dont la dynamique prend le dessus sur l'intrigue politico-mafieuse concoctée par Bellefroid. Mais tout cela est pétri d'authenticité, porté par une galerie de personnages très riches. Ils projettent sur un ring de boxe toute la folie d'une époque post-coloniale marquée par la guerre froide et la lutte contre la ségrégation aux Etats-Unis.