L'histoire :
Alors qu’en 1887, le canal de Panama peine à se réaliser et que la Tour Eiffel n’en est qu’à ses prémices, Chimère – à peine âgée de 13 ans – voit sa vertu mise aux enchères dans l’une des maisons les plus renommées de Paris. Pour 750 louis, M. Hertz en fera cadeau à un ministre de la IIIème République, en remerciement de son aide précieuse dans la poursuite des travaux du canal de Panama. La Perle rouge est ce qu’il est convenu d’appeler pudiquement une maison luxueuse, où la gent masculine et fortunée du Tout Paris vient se détendre et traiter discrètement quelques affaires. Un lupanar n’est pas un lieu pour grandir, mais il permet de murir plus vite et Chimère, malgré son jeune âge, n’a plus guère d’illusions sur son avenir et sait qu’il ne lui faudra compter que sur elle-même pour s’en sortir. Commence alors un jeu fait de séduction et de manipulation, qui devra lui permettre, un jour, de quitter cette maison. Tout d’abord, il lui faut monter progressivement dans la hiérarchie des prostituées-maison et s’y imposer, quitte à s’attirer quelques franches inimitiés… Mais une maison close n’est pas un pensionnat de jeunes filles !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si cette fin de XIXème siècle se veut glorieuse et industrielle, à l’image des travaux titanesques entrepris par Ferdinand de Lesseps à Panama, la vie quotidienne de certaines n’est pas un long fleuve tranquille. Chimère, du haut de ses 13 ans, va découvrir dans les mains de Madame Gisèle la dure réalité des maisons closes qui, même si elles sont de luxe, ne sont pas épargnées par le sordide. Chimère a connu une enfance malheureuse et son adolescence, dans un bordel huppé, ne risque guère d’être meilleure. Toutefois, deux bonnes fées, Christophe Pelinq (alias Arleston) et Mélanie Turpyn (alias Melanÿn) se sont penchées sur son berceau. Si l’histoire se centre volontairement sur notre jeune héroïne et sur son parcours au sein de l’élite des péripatéticiennes parisiennes, Peling et Melanÿn vont plus loin puisqu’en parallèle, ils développent une autre histoire, centrée sur le canal de Panama. Sans être grand prophète, le lecteur sent bien que tout ce petit monde devrait se retrouver dans les boudoirs feutrés de la Perle Pourpre, pour quelques scandales mêlant sexe, corruption et affairisme. A noter (au passage) les dialogues dont la pertinence se doit d'être signalée. Pour sa part, le dessin de Vincent – dont l’Ecole Capucine a fait l’objet d’un superbe tirage de tête de la part de Laurent Hennebelle – n’est pas en reste : les femmes sont belles et pleines de personnalité et les hommes guère à leurs avantages. Avec un trait fin, anguleux mais d'une grande fluidité, il dépeint sans pudeur ni misérabilisme le monde certes feutré, mais terriblement pernicieux, de ces lupanars parisiens de la IIIème République. Cet album conjugue qualité du graphisme, justesse de la mise en couleur, à propos des dialogues et densité du scénario… de biens beaux avantages qu’il convient désormais de savoir faire fructifier.