L'histoire :
Issu des quartiers pauvres de Medellin, le petit Joàn a été recruté par un puissant trafiquant de drogue pour constituer une armée d’enfants tueurs à la solde du cartel. Petit à petit, il a gagné le respect des jeunes des barrios et de ses employeurs, jusqu’à en supprimer la tête, Ràul, qui l’avait pourtant enrôlé. Aujourd’hui, il est jeune père de famille et marié à la fille d’un sénateur de Colombie. Il sait jouer de son aura pour séduire tous ceux qu’il rencontre. Devenu chef du cartel avec son « ami » Ernesto, il se lance en politique. Avec un beau-père qui contrôle la plupart des médias, et lui qui est respecté des quartiers pauvres, il a toutes les chances de gagner les prochaines élections. En plus, son immense talent artistique lui vaut également le respect de l’intelligentsia colombienne. Conscient de la vacuité de son existence, il est pourtant toujours aussi mal dans sa peau. Il s’éloigne de ses responsabilités familiales, traîne durant son temps libre dans les bidonvilles avec les enfants sicaires, et prend toute sorte de drogues. Une forme de mégalomanie le pousse même à injecter un maximum d’argent dans la construction clandestine d’une usine d’armement high-tech, contre l’avis d’Ernesto…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Durant les deux premiers tomes, Cuervos (« corbeaux ») nous narrait avec un réalisme saisissant le phénomène des « marabuntas » en Colombie, ces gosses tueurs latinos baptisés du nom de cette fourmi extrêmement carnivore d’Amérique du sud. Dans ce troisième et dernier épisode, le scénario de Richard Marazano laisse de côté les enfants sicaires pour parler politique. La série se distingue avant tout par un traitement graphique toujours très particulier : cadrages fuyants, découpage novateur… Au centre du récit, Joàn, autodestructeur et artiste maudit, a tué de ses mains sa mère et son père adoptif. A l’aide de son intelligence brillante, il rejette sa propre image, il fuit son arrogante réussite, tout en l’échafaudant méticuleusement. Ces contradictions semblent à l’origine de ce traitement quasi cinématographique de l’image, comme autant de ralentissements cérébraux, de mauvais trips durant desquels le temps paraît figé. La sensation de malaise qui s’en dégage donne une grande force au récit. Michel Durand parvient ainsi à donner des émotions, sans avoir à soigner le réalisme de son coup de crayon. Une trilogie d’une force incomparable !