L'histoire :
En vieillissant, Joàn Mendez, gamin élevé dans les barrios de Medelin, a gravi un à un les échelons du Cartel. Après avoir « éliminé » sans pitié tous ses obstacles, après avoir été élu le plus jeune député de Colombie, il est aujourd’hui ministre. A ses côtés, il y a toujours son fidèle bras droit Emiliano, mais il n’y a plus Béatriz, son épouse, qui vient de décéder d’un cancer. L’enterrement de cette dernière donne l’occasion à Alexia, leur fille, de revenir d’Europe où elle a suivi des études de finance. Alexia semble avoir hérité de Joàn d’une certaine distanciation sentimentale : elle n’a strictement aucune attache familiale. Au mieux, elle ignore ce père naturel qu’elle appelle Joàn, et qui ne s’est jamais occupé d’elle ; au pire, elle le hait profondément. Cette animosité n’est en rien tempérée par les maigres efforts de son frère Ernesto, qui souhaite juste s’amuser et refaire connaissance avec cette sœur trop longtemps partie. La mort de Béatriz, contre laquelle il n’a pour la première fois aucune prise, a rendu Joàn totalement fou. Il flingue ses hommes sans raison, il parle de sa femme comme si elle était encore vivante… Tandis qu’il sombre dans la folie, les grandes manœuvres battent leur plein au sein du cartel. A la tête de ce remaniement, les cadres pensent installer Alexia, dotée de l’intellect froid adéquat et qui bénéficie d’une légitimité de patronyme…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre de ce 4e épisode (ainsi qu’un sticker sur la couv) annonce clairement la fin du cycle (voire de la série ?). On assiste dès lors à un double Requiem : tout d’abord la mort de Béatriz, mise en terre dès les premières planches, puis à la déchéance du héros, l’impitoyable Joàn. Paradoxalement, en mettant un point final à l’incroyable destiné de leur héros, Richard Marazano et Michel Durand livrent peut-être l’épisode le moins attachant des quatre. L’aplomb féroce de Joàn fait ici place à la simple folie (un Alzeimer…) et cette déchéance ne nous épate plus. Parallèlement, à mesure que Joàn devient l’ombre de lui-même, les cadrages novateurs et décalés des précédents volumes redeviennent plus traditionnels. Les personnages ont tout de même toujours tendance à éviter le lecteur du regard, et la transcription de ces destinées sans pareil semble toujours volée par un voyeur privilégié. En détail, si le dessin de Durand fait toujours montre d’un énorme talent graphique, il se fait parfois moins appliqué. Cela est un peu sévère, tant le niveau des trois premiers épisodes était haut placé, et tant la mise en scène, le scénario et le rythme sont une nouvelle fois superbement entremêlés. Reste que de cette série émane une incroyable force narrative, un réalisme âpre et sans concession, qui trouve sans doute un écho dans une autre « quadrilogie » du même type, Juan Solo (par Georges Bess et Alessandro Jodorowski).