L'histoire :
Jésus, le fils de Dieu, est de retour sur Terre au troisième millénaire. Epoque troublée et chaotique, à en juger par le climat : guerres d'une cruauté sans nom, actes de barbarie et catastrophes balisent le chemin d'un monde en train de sombrer dans le néant : une terre sans foi ni loi... Dieu a désormais une unique ambition : ramener vers lui les croyants désenchantés. Pour cela, il envoie son fils Jésus faire du prosélytisme, histoire de leur révéler une nouvelle fois sa présence... Sauf que le fiston ne l'entend pas de cette oreille : de sacrifices, de souffrances, de crucifixion, il ne veut plus, tant ce père spirituel lui semble corrompu et menteur. En guise de punition, Jésus a été frappé de cécité, qu'il recouvrera peut-être en œuvrant à son service. Mais Jésus s'en fout. Il erre parmi les pauvres, les laissés-pour-compte, les marginaux, les enfants en souffrance, et leur donne de l'argent. Jésus s'identifie à leur douleur et devient un des leurs. Affublé d'un diable nain, sorte d'avocat de l'enfer, Jésus fuit et apaise sa souffrance en réalisant des miracles ou en se shootant...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après nous avoir enchantés avec son voyage onirique teinté de magie et de poésie (Le Voyage avec Bill), l'auteur allemand Matthias Schulteiss change de registre en signant son retour avec un récit iconoclaste et radical, en forme de dézingage de la religion et de ses principes. Bien des philosophes se sont penchés sur la question et aucun n'a finalement pu tranché : il existe, ou pas, Dieu ? Tout tendrait à l'infirmer : lui, qui est amour, semble pourtant indifférent au sort des pauvres et sourd à la souffrance des enfants... N'est-il pas tout simplement la plus grande supercherie inventée par l'homme ? Car Jésus, son fils, n'est pas dupe pour un sou et refuse le sacrifice originel : fini le père, le juge tout-puissant, le souverain, à bas les idoles et la vénération idiote... Tout désacraliser : le message, clair et direct, ne laisse pas planer la moindre ambiguïté. Il s'agit ici de questionner la culture judéo-chrétienne, la foi et son empreinte, histoire de bousculer quelques certitudes. Conséquence : avec un humour très noir et sous la forme d'un « God-trip » ironique mêlant apocalypse enflammée, descente aux enfers et trip endiablé sous acides, l'auteur interpelle et fait même flipper... Le graphisme précis et sombre, porté par l'aquarelle et le pastel, est renforcé par un style en couleurs directes parfaitement adapté : c'est souvent grandiose visuellement. Le résultat est surprenant, original et l'angle d'attaque séduit. Oui mais voilà : la BD est parfois lestée d'un propos répétitif ou excessif, trahissant un manque de souffle. Passé la moitié du one-shot, on se dit que ce torrent de questionnements finit par devenir stérile, voire même un peu vain. Dommage, tant il y avait matière à approfondir le sujet. Bilan : un one-shot barré et intéressant dans le fond, visuellement puissant, mais un brin frustrant...