L'histoire :
À Naples, la nuit bat son plein. C'est l’heure où les corps s’enlacent et se mélangent. Isabela a goûté du fruit défendu et elle est heureuse d’avoir partagé une partie de la nuit avec celle qu’elle aime, Don Octavio. Elle n’est pas au bout de ses surprises puisque le duc, avant de partir, lui promet enfin ce qu’elle attend depuis longtemps. Il est d’accord pour qu’ils se marient ! Octavio se rhabille, fixe son chapeau et avant de partir, tend sa main à la duchesse. Mais celle-ci s’écarte, comme prise d’effroi. Elle veut en avoir le cœur net, car elle paraît avoir vu un fantôme. En réalité, c’est pire que cela : l’homme qui lui a tendu la main ne ressemble pas à son amant… Celui-ci lui interdit d’allumer les bougies, mais Dona Isabela n’en a cure. Elle approche la lumière et son horrible soupçon se confirme : cet inconnu n’est pas Don Octavio. Elle hurle aussitôt et appelle au secours. La garde rapplique rapidement et le mystérieux intrus n’a pas le temps de réagir. Le roi, fou de rage, entre dans la chambre et demande ce qu’il se passe. Don Pedro explique la situation et promet qu’il va faire son affaire à cette canaille qui a osé rentrer dans les appartements de madame. Maintenant qu’ils sont seuls, l’inconnu dévoile son visage. Il s’agit de Don Juan Tenorio…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Don Juan est un personnage bien connu, notamment grâce à la célèbre pièce de théâtre de Molière ou à l'opéra de Mozart. Ce personnage devenu légendaire mérite bien une place dans la collection de chez Glénat dédiée aux mythes et légendes. Un choix fort, tant le personnage énigmatique et fascinant est vendeur. Cependant, cette adaptation de Clotilde Burneau reprend la pièce originelle et moins connue du moine Tino de Molina, et non celle de Jean-Baptiste Poquelin. La narration tente de montrer le côté séducteur du personnage avec plusieurs aventures rocambolesques. On commence d’entrée avec un passage étonnant lors duquel Don Juan trompe toute une cour royale en s’introduisant dans la chambre d’une duchesse et en se faisant passer pour son amant. Le reste n’est ensuite qu’une illustration de l’homme perfide qu’il est, qui trompe et abuse les femmes en leur mentant et qui s’enfuit aussitôt la relation consommée. L’exemple de Tisbea piégée par ce bonimenteur explique de façon habile à quel point Don Juan est capable de faire succomber n’importe qui. Le premier tome est donc très réussi, grâce au charisme de l'homme, mais aussi au soin apporté aux autres personnages et notamment aux femmes qui viennent grossir le tableau de chasse du frivole libertin. L’histoire se coupe sur une des dernières manipulations de Don Juan, peut-être la plus machiavélique, et oblige à attendre la fin de l’histoire du séducteur dans le tome suivant. Diego Oddi semble à son aise dans l’exercice graphique. Ses personnages sont bien travaillés, ses femmes belles et désirables et la figure de Don Juan ne manque pas de fasciner. Les couleurs sont également judicieuses. On voit souvent l’abuseur de Séville dans l’ombre. Car ici, le personnage n’a rien de positif, il est plutôt l’incarnation du Démon. Luc Ferry le souligne intelligemment dans les annexes, en rappelant la vision du mal selon la théologie religieuse. Dans la longue série consacrée aux mythes antiques, l’ancien ministre de l’Education Nationale parlait d’équilibre du cosmos tandis qu’ici, avec l’avènement de la religion, c’est le mal en tant qu’entité qui apparaît. Ce point crucial est déjà longuement développé dans les annexes du tome consacré à la Genèse dans la Bible. Ce bel album ne pourra que vous séduire.
