L'histoire :
En avril 2015, alors âgée de 35 ans, Esmera fait un bilan de sa vie sexuelle, qu'elle définit comme « plurielle ». Tout a commencé pour elle alors qu'elle était dans un pensionnat italien pour jeune fille, en... 1965 (sic). Malgré la bonne éducation prônée par les religieuses, elle et sa copine de chambrée Rachèle ne pensent qu'à une chose : leur dépucelage. Esmera est amoureuse de l'acteur italien Marcello Mastroianni ; Rachèle, elle, a donné rendez-vous, de nuit, dans leur chambre, à son copain Jaco. Esmera fait semblant de dormir, elle assiste ainsi à la « première fois » de sa copine. Le week-end suivant, Esmera provoque sa chance en sortant à un bal. Il y a un beau mec, qui l'embarque à l'écart et la couche dans un coin d'herbe isolé. Mais le gars jouit trop vite, la première fois d'Esmera est un peu courte. Elle regarde donc plus attentivement Rachèle et Jaco la fois suivante, notamment l'astucieuse façon de sa copine de palier la précocité de Jaco. La fois suivante, à une soirée, avec un autre garçon, Esmera s'emploie donc à débuter par une fellation. Hélas, cet acte seul suffit au bonheur du garçon. Quand Esmera raconte sa déception à Rachèle, cette dernière décide de faire jouir sa copine elle-même, par un rapport lesbien très performant. La performance est à la hauteur de la surprise : au moment où elle jouit, Esmera se transforme en garçon ! Quand elle s'en aperçoit, elle est aussi paniquée que sa copine. Elle s'enfuit et comprend qu'il lui faut jouir de nouveau pour redevenir une fille. Il en sera désormais ainsi : en alternance fille et garçon, Esmera vivra deux vies sexuelles variées et épanouies... en vieillissant deux fois moins vite.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Votre enfant est fan de Titeuf et vous appréciez les apparitions médiatiques de son auteur lorsqu’il est en promo ? Hopopop, attention, même si vous avez le curseur de l’éducation sexuelle un peu flottant, ce one-shot n’est sans doute pas recommandable aux moins de 18 ans. Zep avait déjà grimpé de quelques barreaux sur l’échelle du zizi sexuel avec Happy sex. Cette fois, il boucle la boucle avec un récit carrément porno. Mais aussi futé, fantastique, drôle, admirablement narré et intelligemment ancré dans notre époque. Zep, quoi. Au risque de révéler la substantifique moelle de ce récit, Esmera est le prénom d’une fille qui change de sexe à chaque fois qu’elle a un orgasme. Or Esmera aime bien les orgasmes (pas vous ?). Ne cherchez pas pourquoi, ne scrutez pas comment, on s’en bat les ovaires. Seule compte l’idée (géniale) de base et ses truculents développements au gré des partenaires. Graphiquement, Vince utilise un trait semi-réaliste ad-hoc, dans un lavis en niveau de gris élégant. Plus proche de ses Metalfer et Vortex que des Chronokids ! Sur le plan du cul, on a droit à un florilège relativement classique, dessiné par Vince de manière bien explicite, avec des positions souvent sympathiques : buccal, anal, facial, partenaires multiples et même avec un curé. De quoi contenter pleinement les adeptes. La mécanique des changements de sexe permet aussi de bonnes tranches de rire, souvent proches du Vaudeville. Mais surtout, la confusion des genres met une grande baffe dans la tronche du moyenâgeux monopole hétérosexuel. Esmera n’est ni gay, ni lesbienne, ni trans ! Elle est tout à la fois, volontairement et malgré elle, sans le moindre mal-être nécessitant des années de psychothérapie, juste dépendante de la fugacité de l’instant intense qui la fait varier et du regard de l’autre dans l’instant qui suit. Léger et drôle à la lecture, ce récit est bien plus profond qu’il n’en a l’air et fait œuvre humaniste. On en ressort avec une grosse envie de s’envoyer en l’air.