L'histoire :
Un homme politique nationaliste tient meeting sur une place publique, juste à côté d’une statue de Jeanne d’Arc à cheval. La foule agite des drapeaux tricolores et l’écoute religieusement, tandis qu’il postillonne dans les micros avec le regard du conquérant qui harangue ses troupes avant le combat. Dans cette foule, se trouvent quatre skinheads en bombers et chaussures militaires. Ils baignent dans leur jus et participent à tous les signes ostensibles possibles de la célébration nationale. Le discours terminé, ils n’attendent pas la fin des acclamations pour s’éloigner afin de boire des bières tranquillou. Ils rejoignent la ville en fanfaronnant et agressent verbalement tous les étrangers de couleur qu’ils croisent. Ils provoquent à qui-mieux-mieux, mais ne récoltent qu’indifférence. Finalement, ils se séparent, pour rentrer chacun dans leurs pénates. L’un d’eux a visiblement une longue route à faire à pied. Il longe une départementale sur le bas-côté d’un champ, alors que débute une averse. Il tente bien de faire du stop, mais personne ne s’arrête. Finalement, un break se gare sur le bas-côté et attend qu’il monte. Le skin ouvre la portière et découvre un arabe au volant. Il fronce les sourcils. Il regarde les nuages gris... Il hésite à monter...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Neuf ans après le premier recueil, Christophe Chabouté récidive. En sous-titre de ce second volume d’histoires courtes et contemporaines, il indique : « Détails futiles ». Effectivement, les scénettes ici mises en scène appartiennent à notre vie urbaine ordinaire… et c’est pourquoi elles sont bien moins « futiles » que pleines de sens, révélatrices et évocatrices de notre chienne de civilisation contradictoire. Mais Chabouté a de la tendresse pour ses personnages, il n’est ni moqueur, ni donneur de leçon. Ce qui l’intéresse, ce sont les SDF, les handicapés (physiques ou handicapés sociaux), les « gens de rien » mis devant leurs contradictions, ou au pied du mur de leurs conditions. C’est l’aveugle qui slalome avec sa canne blanche autour des obstacles urbains (...) c’est la caricature du dealer qui file à l’anglaise de son HLM, un paquet suspect sous le bras (...). Chabouté s’amuse à mettre en place des jeux de faux semblants, des situations caricaturales, des images d’Epinal de notre société, qui dérivent vers un autre chose cynique ou cruel, ou plus rarement optimiste (cf. la première historiette résumée ci-dessus). Car contrairement au magnifique dessin de Chabouté, le monde n’est pas tout noir ou tout blanc.
