L'histoire :
Sur une île inconnue qui, en bien des aspects, ressemble à notre quotidien, on célèbre avec bonheur un mariage. Freddy est un jeune garçon venu avec ses parents pour assister au mariage de membres de sa famille. Alors qu'il s'échappe pour tenter de fumer en cachette, son oncle Octave, qu'il ne connaît pas, va le surprendre. L'homme le met à l'aise : il ne dira rien aux parents, cela restera leur petit secret. Mais il pose une condition. Freddy doit le suivre, Octave a quelque chose à lui montrer. Intrigué, le jeune garçon suit son oncle, une personne de sa famille en qui il a placé sa confiance. Mais un drame va survenir. Et Freddy va être victime de violences sexuelles. Dans sa tête, résonnent encore les mises en garde de son oncle : « Ne dit rien, de toute façon personne ne te croira. Tu n'as pas dit non c'est bien que tu en avais envie ». Freddy revient à lui et retourne comme il peut à la fête du mariage. Le soir, en rentrant, ses parents lui demandent s'il a passé une bonne soirée. Mais l'usine du Grand silence, à l'œuvre sur cette île perdue, agit sur Freddy, et avale ses cris de détresse d'enfant abusé. Quelques années plus tard, le couple qui s'est marié ce fameux soir tragique, est sur le point de se séparer. Parents de jumeaux, chacun en récupère la garde : la maman récupère sa fille, le papa, son fils. Les enfants sont séparés et ne pourront maintenant compter que sur leur unique parent pour prendre soin d'eux et les protéger...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sur une île inconnue, fonctionne l'usine du Grand silence qui happe tous les cris des enfants qui ont été abusés par des adultes. La loi du silence fait rage, les bourreaux agissent en toute impunité et brisent les vies de nombreuses victimes, encore mineures. Cette bande dessinée est un uppercut. Une grande claque. Un titre qui ne nous laisse pas indifférent et qui continue de résonner bien après que l'on en ait terminé la lecture. Sandrine Revel, autrice prolifique, connue notamment pour avoir réalisé Hey Jude, Tom Thomson esquisses d'un printemps ou plus récemment l'adaptation des Chroniques de San Francisco, s'associe à Théa Rojzman, également autrice de bande dessinée. Ensemble, elles nous livrent un album au sujet sensible, encore tabou : les violences sexuelles faites aux enfants. Elles prennent le parti de nous raconter cette histoire sous la forme d'un conte. Car comment raconter l'insoutenable, faire passer un message, sans repousser le lectorat sur un tel sujet ? La narration nous permet de prendre un peu plus de distance, tout en transposant nos réflexions sur notre monde contemporain. Pour mettre en lumière ce problème collectif, qui nous concerne tous, la bande dessinée est un bon médium. Et les illustrations allégoriques, aux couleurs pastel, permettent d'exprimer l'indicible. Un bref dossier en fin d'ouvrage permet d'accéder à des sites et numéros d'aide aux victimes, à des données chiffrées sur les violences sexuelles en France, mais aussi à une postface rédigée par Théa Rojzman qui nous explique la genèse du projet, et les raisons de la création d'une telle bande dessinée. Un ouvrage saisissant, poignant, fort, mais nécessaire, pour lever le voile sur une ignoble réalité.
