L'histoire :
Par un hiver du XIVe siècle, un vieux colporteur s’installe sur la place centrale d’un gros bourg allemand fortifié. Accompagné par le son de sa vièle, il se met à narrer aux badauds la tragique mésaventure qui ravagea la bonne ville de Hamelin, alors qu’il était petit. Cela se déroula en 1284, alors que lui-même était âgé de 10 ans. Cette année là, les rats proliféraient tant et si bien dans la ville, qu’ils parvenaient à dévorer, en meute, des mendiants encore vivants. Vue la colère des habitants, le bourgmestre fit appel à un spécialiste pour dératiser le bourg. L’homme qui s’était présenté était mystérieux, renfermé et il portait sur l’épaule un étrange furet. Lors du premier entretien face aux autorités de la ville, il refusa de communiquer son prix : il lui fallait étudier l’ampleur et la nature de l’invasion avant de savoir combien cela allait coûter. Après quelques jours, il annonça que la situation était grave : qu’il y avait environ 100 bêtes pour chaque habitant. La dératisation intégrale allait donc coûter 100 Ducas – une somme astronomique ! Le bourgmestre accepta toutefois, avec comme dans l’idée malhonnête qu’il ne réussirait pas pleinement sa mission et qu’il serait toujours temps, ensuite, de refuser le paiement. Mal lui en prit…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Oyez, bonnes gens, l’histoire de ce joueur de flute dératiseur, qui se vengea d’une escroquerie municipale en supprimant les enfants d’Hamelin, de la même manière qu’il en avait éradiqué les rongeurs. Cette célèbre légende fut popularisée au XIXe siècle à travers un conte des frères Grimm, sous le nom Le joueur de flute de Hamelin. La BD adaptée par André Houot à travers ce splendide one-shot est relativement proche de cette version. Ici aussi, en marge de l’escroquerie et de l’atroce vengeance, il y a deux enfants qui réchappent au désastre. Toutefois, étant donné la fidélité de l’adaptation, le scénario et sa morale passent au second plan : ce qui frappe, c’est avant tout qualité du dessin. Existait-il auteur plus compétent qu’André Houot pour illustrer ce célèbre conte ? Ses encrages sont d’un niveau de détail extrême et ses planches demeurent néanmoins parfaitement équilibrées. Houot ne ménage pas sa peine pour illustrer le style architectural médiéval germanique, les maisons à colombages, les plans larges, vertigineux et panoramiques, les animations de foule détaillées et précises… Même les encadrés narratifs sont illuminés et les phylactères s’attribuent en d’originales circonvolutions. En outre, dans la lignée d’un Jérôme Bosch moderne, Houot sait y faire pour instiller l’horreur et la cruauté dans les traits de ses personnages, un zest de luciférien en prime. L’ignominie et la crasse en ressortent idéalement, dominant une vision du moyen-âge humainement abjecte et néanmoins visuellement flamboyante. Un très joli et très inquiétant one-shot… tremblez bonnes gens !