L'histoire :
Ce 14 juillet 2009, Greg Zlap se lève à 7h00, en regardant le lever du soleil sur la tour Eiffel. Il s’apprête à participer à un grand concert, le soir même, en tant que joueur d’harmonica professionnel. Tout en satisfaisant aux nécessités du quotidien, il se souvient de la manière dont tout a commencé. En 1979, il avait 8 ans à Varsovie, son pays natal. Ses parents s’évertuaient à lui apprendre la musique, en commençant par le piano. A l’époque, les voisins de bonne volonté s’étaient unis pour faire monter l’instrument jusqu’à leur appartement au sein d’un HLM. On réclamait alors de lui une assiduité à l’exercice, un soin des mains et… des cours de « rythmique » – pour ne pas dire danse classique – en collants super moches. Mais finalement, le conservatoire ne lui avait pas reconnu de talent particulier et Greg avait dû abandonner le piano, au grand désarroi de son père. Il s’était donc mis au dessin et tandis que les manifestations de Solidarnosc battaient leur plein, il écoutait le rock américain du groupe Kiss. C’est l’oncle Jan qui, un soir, de retour des Etats-Unis, lui avait offert son premier harmonica. Greg avait alors appris à jouer un morceau unique : Oh Suzanna…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A moins d’être pile-poil calé en harmonica, le commun des mortels ignore que Greg Zlap, ou plus exactement Slapczynski, est chanteur et joueur d’harmonica de blues, a priori l’un des meilleurs de notre coin de planète. Le scénariste Philippe Charlot le connait bien, lui qui a bourlingué une paire d’années en tant que guitariste professionnel, avant de se reconvertir à la bande dessinée (Bourbon street). En étroite collaboration avec le musicien, dont il a recueilli les confidences, Charlot lui consacre aujourd’hui une biographie BD. Vue la confidentialité de la pratique de l’instrument, l’intention peut paraître insolite. Reconnaissons pourtant à Charlot un véritable talent de narrateur pour rythmer et rendre intéressant le parcours somme toute ordinaire d’un polonais joueur d’harmonica. En outre, Charlot a le sens de la réplique (« Rien n’est plus fourbe qu’un harmonica », « Je serai dessinateur de rock ! »). Il met surtout en exergue la vocation pour l’instrument en particulier, plus que pour la musique en général. Son récit entremêle les préparatifs, au présent, pour un grand concert, et les souvenirs chronologiques de l’apprentissage de Zlap, en flashback. Ce faisant, il brosse un portrait de la Pologne des années 80 assez similaire à celui que partage Marzena Sowa dans Marzi (le dénuement, l’austérité et la carpe de Noël). Le dessin a été confié à Miras (Miroslav Urbaniak), dessinateur d’origine polonaise lui aussi, donc parfaitement compétent pour retranscrire au plus juste la société de cette époque. Le trait réaliste est juste, régulier, impeccablement proportionné… il lui manquerait juste un soupçon d’empathie pour les personnages et de dynamisme pour être totalement emballant. Au final, ce one-shot de 94 planches (petit format) nous fait plaisamment découvrir un musicien et son drôle d’instrument.