L'histoire :
2013. Huck, 13 ou 14 ans, est en train de fumer une cigarette roulée sur le toit d’un building de Halle sur Saale, en ex-RDA. Ses potes blaguent en buvant des bières. Son ami Tom Sawyer lui annonce qu’ils ont décidé de monter un gang. Leur activité principale consistera à jeter des bouteilles ou des pierres sur les passants dans la rue, puis de leur faire les poches. Le projet enthousiasme Huck, mais il y a un problème. Les jeunes gens doivent jurer fidélité au gang sur leur famille. Comme il n’a pas vraiment de famille, Huck est mis à l’écart, ou plutôt, il s’en va. En rentrant chez la veuve qui l’a adopté à la mort de sa mère et après l’abandon de son père, Huck s’arrête pour uriner sur une devanture. Il est morigéné par une très jeune femme sortant d’un bordel. Celle-ci est ramenée à l’intérieur violemment par son souteneur. Huck arrive chez la veuve, vivre son « cauchemar ». En fait, la veuve est gentille, douce, aimante et prend bien soin de lui. Mais quand Huck décide de reprendre sa liberté, il tombe sur son ivrogne de père…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Deuxième album en France de Olivia Vieweg, après Le Retour d’Antoinette qui s’attaquait sous une forme très spécifique au harcèlement à l’école. Huck Finn est aussi un roman graphique très réussi, et très dur. On connaît tous les aventures de Tom Sawyer, moins celles de Huckleberry Finn, qui sont une terrible critique de la nature humaine et de la société, considérées comme le chef d’œuvre de Mark Twain. En choisissant de transposer l’aventure dans son pays, à son époque, Vieweg en fait aussi un brûlot. Jeunes désœuvrés et délinquants, père alcoolique et violent, marginalité, prostitution de jeunes filles... tous ces sujets sont passés à la moulinette d’un dessin enfantin, dont les portraits sont caricaturaux, mais qui porte une finesse et une richesse rares dans sa manière d’aborder les paysages. Le découpage est un hymne à la liberté, quand la grande majorité des plans de paysages sont en une page ou une demi-page, alors que la plupart de plans serrés sont sur les humains. Huck fuit les humains, cherche la solitude, la liberté, la nature. Il se lie tout de même d’amitié avec Jill, la petite prostituée que Mait, son souteneur, « vend » comme une jeune femme de 19 ans et qu’on voit pourtant bien plus jeune… Elle « joue le rôle » de Jim, l’esclave avec lequel Huck s’enfuit dans le roman de Twain. Ensemble ils vont vivre de sacrées aventures, même si Huck est toujours décalé par rapport à la réalité du monde, lui qui est infiniment et fondamentalement bon. On retrouve dans cet album avec plaisir et étonnement le souffle, le décalage de la movida espagnole. C’est assurément une belle réussite.