L'histoire :
Dans un avenir proche, les scientifiques trouvent un moyen de remédier à… la mort. La solution est génétique : il suffit de concevoir les enfants en laboratoire, selon un certain procédé, et ces derniers deviennent immortels. En l’espace d’une génération, après une décision planétaire sans précédent, l’humanité toute entière est donc devenue immortelle. Ce progrès a notamment permis, par exemple, de lancer un incroyable programme de conquête spatiale, avec des voyages habités sur plusieurs centaines d’années, aux confins du système solaire… Dans ce contexte, une petite fille nait, après avoir été conçue de manière… « artisanale ». Aster est donc l’une des seules mortelles parmi une collectivité immortelle. Depuis son enfance, à part sa mère, tout le monde la regarde comme une bête bizarre… De son côté, son père devient fou, profondément bouleversé par l’état de sa fille : en la procréant par les voies de reproduction naturelles, il lui a donné la mort ! On se méfie d’elle, tout comme des rares autres mortels, comme si la mortalité était une maladie contagieuse. Rejetée en marge de la société, à l’adolescence elle rejoint une communauté d’autres mortels regroupés en marginaux sur une plage. Ces déviants vivent à 100 à l’heure, dans la drogue et l’alcool, se permettant toutes les exubérances sous le regard atone des immortels, qui laissent faire, compatissants…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La mort, ça nous travaille tous (forcément) un peu. Jean-David Morvan, lui, prend brillamment le sujet à bras le corps, sans détour ni prétention. Pour la seconde fois en marge de l’heroïc-fantastique Zorn et Dirna (excellent dans son genre, par ailleurs !), il aborde le thème de l’immortalité en inversant la norme : ici, la mortalité est marginale. L’angle est cette fois celui de d’anticipation urbaine, avec une approche plus sérieuse, plus « mentale ». D’ailleurs, la quasi-intégralité du diptyque se narre au travers des pensées d’Aster, en voix off. Quel est son ressenti ? Comment vivre normalement dans ces conditions ? N’y a-t-il pas effectivement de quoi devenir fou ? D’un point de vue matériel, Morvan imagine aussi des conséquences intéressantes à l’immortalité, telles que les longs voyages spatiaux, ou la propension à tout faire plus lentement, de manière indolente, comme pour moins s’investir dans la rentabilité du temps qui passe. Vu la complexité de ce sujet principalement abstrait, il ne paraissait guère possible de l’aborder avec un dessin « classique ». Nicolas Nemiri s’en affranchit habilement, en utilisant un style graphique moderne et tourmenté. S’appuyant nettement sur l’informatique, ce biais aurait pu être remarquable, avec plus de cohérence d’ensemble. Car si on retrouve dans ce tome 2, la même esthétique contemporaine originale, le dessinateur change par moment de style, empruntant alors un trait plus… spontané, un traitement « brut », parfois un peu limite et pas toujours lisible (l’accident de moto ou les conséquences du pillage du supermarché). La réalisation de l’album aurait-elle été morcelée, séparée par des laps de temps trop longs ? Cela ne nuit en rien à cette formidable réflexion, à lire au moins une fois, en attendant la mort…