L'histoire :
Alors qu'il est en train de couper du bois dans une forêt à Chervagne, Jules entend le tocsin qui sonne en plein milieu de l'après-midi. Il se presse pour savoir ce qui se passe, et croise Marius qui lui confirme la nouvelle inattendue : c'est la guerre ! Les deux hommes vont bientôt devenir beaux-frères. Jules est en effet fiancé avec Rose la sœur de Marius. Ils se demandent s'ils vont être mobilisés. Du côté de la mairie du village tout proche, les deux gendarmes montent sur leur vélo pour apporter les fascicules de mobilisation aux hommes en âge de partir sur le front. Un travail qu'ils n'avaient pas prévu de faire, une démarche embarrassante devant les familles qu'ils connaissent depuis toujours. Jules Matrat est un des premiers. Il doit se rendre le lendemain matin à Embrun. Son ami Marius sera de son côté mobilisé au Puy en Velay. Les deux pensent que ce sera une affaire de quelques mois. Jules passe la soirée avec Rose, leur premier baiser scelle leurs projets de mariage, dès qu'il sera de retour. Dès les jours suivants commence un long trajet sur les routes pour remonter vers le Nord où les combats ont déjà lieu, au milieu de la troupe de soldats. Jules fait la connaissance de Louis Agnin, comme lui un homme de la terre, qui vient des Alpes. Ils vont marcher ensemble et très vite promettre de se rendre visite lorsqu'ils seront rentrés. A la fin du mois d'août, le maire de Chervagne reçoit les premières lettres du ministère qui lui annoncent la mort d'un homme du village sur le front. Il faut aller les porter aux familles.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dès les premières cases, on comprend que Serge Fino a choisi une approche différente pour son adaptation du roman de Charles Exbrayat, une approche littéraire qui imprègne immédiatement les dialogues dont le ton semble sorti directement du livre, mais aussi les premiers pavés de texte dont le style nous plonge dans une lecture différente. « Le hululement plaintif d'une chouette surprise par la lumière du jour » en page 7 en est un parfait exemple,. Tout le long de ce premier tome, ces commentaires off nous connecteront à l'époque, dans un style soigné qui donne très envie de lire le livre paru en 1942. L'auteur donne aussi le ton d'une très belle exigence graphique dès ses premières pages. Les paysages de Haute-Loire, la ferme familiale, sont superbes, baignés d'une belle lumière, autant que seront impressionnantes les premiers moments de marche des soldats sous la pluie. Ce premier tome est parfaitement construit autour de la personnalité de Jules qui change avec les semaines et les mois qui passent, et s'isole petit à petit de ceux qu'il a laissés au village, incapable de se libérer de l'horreur dont il est témoin. L'amitié avec un autre soldat avec qui il partage la peur prend de plus en plus de place dans son esprit. La perplexité de son père et de Rose sont perceptibles face à ce Jules qui ne ressemble plus à celui qu'ils connaissaient quelques mois plus tôt. C'est un très profond début de triptyque qui prend aux tripes sans scènes d'horreur, avec des images fortes pleines de puissance, des sentiments qui s'expriment avec justesse et sans précipitation.