L'histoire :
Dans la salle à manger d'une ferme perdue dans la campagne, un chat, un chien et un cochon d'appartement se disputent la meilleure place sur le canapé du salon. Leurs maîtres humains sont des militants de la cause animale, et probablement des occupants d'une ZAD. Ils sont brutalement chassés de leur maison par un débarquement de la police. Les animaux de la ferme sont embarqués dans de grands camions aux structures métalliques, mais quelques uns réussissent à s'enfuir. A leur tête, le cochon Néo va plonger sans transition d'une vie paisible et indolente à une fuite vers l'inconnu, en compagnie d'une vache, d'un coq, d'un chien et d'un mouton. Sur la route, les rencontres se multiplient, et chaque espèce apporte à l'équipe des bribes d'informations supplémentaires sur ce qui pourrait être arrivé à tous les autres animaux. Ils entendent parler d'un endroit nommé l'abattoir, sans savoir ce qui pourrait bien s'y passer, mais ils se doutent qu'il va falloir s'en rapprocher pour tenter de retrouver ceux qui ont été emmenés. La route s'annonce compliquée, les animaux découvrent petit à petit tout ce qui existe au-delà des limites de cette ferme où ils menaient une vie tranquille. Les routes à traverser, les moments d'affrontement entre des hommes en uniforme et d'autres hommes qui leur lancent des projectiles. Il sentent confusément qu'ils s'approchent d'une sinistre découverte.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il faut quelques pages pour découvrir comment la petite troupe d'animaux de la ferme va raconter le monde des hommes autour d'eux, et transformer un récit animalier proche d'un dessin animé en road-movie moderne contre les mauvais traitements infligés aux animaux d'élevage. Pour y parvenir, Stéphane Betbeder construit un récit dont la structure rappelle les fabuleux Seigneurs de Bagdad de Brian Vaughan. Mais la troupe de lions qui découvre l'invasion de l'Irak dans le comics américain, fait place ici à des animaux bien moins prestigieux, et leur découverte de l'abattoir. Paul Frichet illustre la fable contemporaine avec brio. Son cochon d'intérieur et son mouton à la laine trop longue sont épatants de personnalité, tout comme ce coq qui tente d'expliquer ses cocoricos pas vraiment maîtrisés. Le propos se durcit avec l'échappée des animaux, et leur confrontation progressive avec le monde des humains. Cet album est un véritable plaidoyer contre la consommation de viande animale, et contre l'élevage intensif des poules pour leur œufs, des vaches pour leur lait. Le scénariste se déclare végétarien sans être anti-spéciste, et l'album tente d'éviter l'écueil d'un propos purement militant. Cela dit, ses pages sont très denses, voire un peu bavardes, ce qui prive le lecteur de quelques moments de recul qui l'aideraient probablement à se rapprocher de cette troupe d'êtres vivants qui cherchent à défendre la vie de leurs semblables. On voit pourtant que le dessinateur serait tout à fait prêt à mettre en scène des moments plus calmes. Il le montre (trop) brièvement dans quelques paysages de nuit très beaux. L'aventure, en tout cas, ne fait que commencer pour une série prévue en plusieurs tomes, et dont le propos tombe pile dans un thème très à la mode.