L'histoire :
La famille Cohen vient juste de décider de quitter Marseille, tandis que les rafles organisées par Vichy emportent tous les juifs. Nous sommes à l'été 1942 et un pêcheur Corse nommé Bastiani a donné rendez-vous sur le port à Suzanne, Henri et leur fils Sacha. Tous trois rêvent de passer ensuite de Corse en Palestine, alors que l'état français de Laval et Pétain les a déchus de leur nationalité pour en faire des apatrides. Leur départ est précipité lorsque la police vient arrêter la famille Lévy, leurs voisins. En fuyant vers le port avec une simple valise, Henri fait diversion pour que sa femme et son fils puissent embarquer. Il attire vers lui les policiers en faction, et le bateau prend la mer vers Bastia. Avant l'arrivée sur l'île, un bateau de police les somme de s'arrêter et d'autoriser une inspection de la cargaison. Suzanne saute à la mer et elle est capturée par les forces de l'ordre, tandis que Bastiani déclare que le gamin est son fils. Alors que le jour se lève sur Bastia, un attroupement se forme autour du pêcheur qui va se faire arrêter. Le préfet Balandier, témoin de la scène, intervient pour rendre sa liberté à Bastiani. Il se positionne ainsi frontalement face au commissaire Rossi, exécuteur zélé des ordres du ministre de l'intérieur. C'est le point de départ d'un affrontement entre collaborateurs et résistants, au sein même de l'administration de l'île...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce bel album de 88 pages, Stéphane Piatzszek raconte avec beaucoup de finesse et un beau sens du récit la tentative d'une famille juive d'échapper aux rafles de 1942. Avec cette tranche d'Histoire puisée dans les souvenirs de sa propre famille, il met en lumière le rôle qu'ont joué des corses dans la protection de juifs qui débarquaient sur l'île pour tenter d'échapper à la déportation. Une double leçon de courage et d'Histoire, qui rend hommage à la détermination de certains fonctionnaires opposés à la politique antisémite de Vichy. Et qui donne une vision positive et héroïque du comportement des habitants de l'île, nombreux à s'interposer physiquement aux arrivées de policiers zélés. L'album est empli de personnages forts, touchants sans être artificiels. Le scénariste déploie de manière intelligente les éléments d'un récit incarné par des héros du quotidiens, ou des salauds eux aussi très ordinaires. Il y a des éléments de vérité dans le vécu de Balandier, le courage du curé qui ose prendre position et les sentiments complexes de Suzanne. Espé illustre ce one-shot historique de manière impeccable, ses pages parfois denses restant toujours parfaitement lisibles. Sous une couverture peu engageante et un peu trop formatée, se cache donc un récit romanesque et émouvant, très réussi.