L'histoire :
Dante est en train de finir son tableau sur le paysage proche du village, mais il ne semble guère satisfait. Beatriz le félicite, mais il n’en croit rien. Elle montre tant de douceur que leurs caresses se terminent par des ébats enflammés. Le rapport s’arrête brusquement, cependant, car Beatriz entend des jappements non loin de là. Il s’agit de Blanche qui hurle à la mort. Elle se précipite et Dante reste nu, le regard perdu dans le vide. Il doit sortir de sa torpeur car sa compagne l’appelle. Blanche est en train de se noyer. Dante se précipite, entièrement nu, et se jette à l’eau pour la sauver. Beatriz est furieuse. C’est encore ces satanés gamins qui s’amusent à lui faire du mal. Il doit intervenir pour les arrêter définitivement. Il ne répond rien et retourne à son tableau. C’est alors que son agent Xavier rentre à la maison accompagné d’un potentiel client. Quand ils arrivent dans le salon, c’est le choc : Dante est allongé, face contre terre et totalement nu. Il se réveille et annonce d’un ton illuminé qu’il a vu Dieu et qu’il a entendu ses prières. Il va le sortir des ténèbres de la médiocrité et il sait désormais ce qu’il a à peindre. Il regarde alors le tableau qu’il doit achever : tout est rouge, d’un rouge vermeille éclatant...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Certaines œuvres singulières ne vous laissent pas indifférent. La chute de Dante fait partie de celle-là et pas seulement parce que certaines cases sont d’un érotisme plus qu’explicite. Cette œuvre atypique mêle le fantastique façon Edgar Allan Poe et l’érotisme cru, le tout dans une époque romantique à la Bernard Yslaire. L’amour fort laisse place à des scènes torrides et délicieusement charnelles, comme autant d’invitations tentatrices que Charles Baudelaire n’aurait pas reniées. C’est pourtant loin d'être la seule richesse de cet album, car Manolo Carot propose également une métafiction vertigineuse qui rend presque fou, à l’image de ce peintre qui sombre plusieurs fois dans la démence créatrice. Avec une pointe de génie, l’artiste mêle habilement son dessin aux couleurs puissantes des tableaux que réalise son personnage, de sorte qu’on ne sait plus où se trouve l’œuvre et la création dans la création. Les couleurs magnifiques alternent entre passages inquiétants et moments sensuels. La sublime parabole de la création qui tourne à la chute aux Enfers se renforce avec un autre clin d’œil superbement mené : le peintre est bien sûr une référence direct à Dante Alighieri et sa Muse Beatriz, le fameux écrivain italien qui aura écrit une œuvre mémorable sur… les Enfers. La Chute de Dante vous emmènera dans les affres et les instants de grâce de la création. A travers cet album marquant, Manolo Carot touche du doigt la perfection.