L'histoire :
Russie, 1812. Dans un sous-bois ployant sous la neige, la calèche des Collard croise celle des Saint-Venant, renversée. Les deux familles qui fuient la Russie, accompagnées de leurs domestiques, vont devoir cohabiter. Alors que Baroux, qui accompagne les Saint-Venant, s’occupe de l’intendance après s’être emporté contre la bêtise de ses maîtres qui sont sortis de la route, Arnaud et sa sœur discutent. La jeune femme a accepté sans trembler que son cheval, Pégase, soit achevé. Mais Arnaud, de son côté, croit toujours à des lendemains meilleurs, jusqu’à considérer de garder des tableaux familiaux… Il entasse des incunables qui appartiennent à leur famille depuis des générations dans la berline des Collard. Mais Baroux s’y oppose, soutenu par Aurore, la sœur, qui semble plus dure que son frère. Dans un bivouac surveillé par les loups, elle regarde les hommes dépecer le produit de leur chasse…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A la retraite de Russie, c’est ceux qu’étaient à la traîne qu’ont été r’passés, dit M. Fernand dans les Tontons. Les traînards, et les civils isolés. Ici, deux familles de nobles ou grands bourgeois, proches de l’empire napoléonien, obligés de quitter précipitamment Moscou pour fuir la vengeance des cosaques, se lancent dans une traversée sans espoir d’une Russie blanche, blanche de neige, sans pitié pour les plus faibles. La trame historique, particulièrement dramatique, permet à Régis Penet et Anne-Laure Reboul de sonder les tréfonds de l’âme humaine, de la capacité à affronter les difficultés jusqu’à celle de survivre aux dépends de ses congénères. Un huis clos à ciel ouvert, dans l’immensité blanche des plaines de Russie, zébrée de bouleaux qui ressemblent à autant de barreaux de prison… Le récit est d’une grande violence, sourde et psychologique, encore rehaussée par la violence des blancs de Régis Penet qui envahissent parfois les pages, suffocant le lecteur… Quand on y repense, on atteint parfois à la maestria étouffante des huis clos neigeux de Stephen King, The Shining et Misery, dans le sens où la nature immense, omniprésente, ne laisse aucune échappatoire. A lire, assurément.