L'histoire :
Kenya, 1980. Les babouins sont des nazis : les mâles alpha font régner la terreur par tous les moyens. Meurtres, viol, intimidation des mâles de rang inférieurs, tout leur est bon et tel est le lot quotidien des dominés. De 1978 jusqu’au milieu des années 90, un couple de chercheurs a étudié plusieurs troupes de babouins dans la réserve du Masaï Mara. L’une d’elle a pris pour habitude de se mourir des restes d’un camp de touristes en pillant leurs poubelles. Les chercheurs la nommeront la troupe du dépotoir pour la distinguer de la troupe de la forêt. Si toute la troupe du dépotoir se nourrissait exclusivement des poubelles, ils partageaient uniquement avec les mâles de la forêt leur festin. En 1983, la consommation de nourriture contaminée déclenche une épidémie de tuberculose qui décime entièrement la troupe du dépotoir, tandis que 46% des mâles de la troupe de la forêt meurent aussi. Avec l’émergence de la nouvelle génération de mâles lambda et oméga n’adoptant pas des attitudes tyranniques, on constate une baisse drastique des agressions. L’analyse des taux d’hormones des mâles de rang inférieurs montre des niveaux de stress infiniment plus bas que par le passé. Les agressions se limitent à des affrontements entre mâles de rangs similaires. Et s’il y avait des similitudes avec la société américaine ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ne vous y trompez pas, Emmanuel Moynot ne propose pas une BD de zoologie, mais un polar bien sombre qui se déroule à travers les USA. Si au fil du récit l’auteur consacre plusieurs chapitres à la description de l’organisation des babouins, c’est pour faire un parallèle avec celles des humains. Cette histoire débute par le meurtre mystérieux d’un avocat d’affaires proche du dossier Epstein. Si l’homme de pouvoir n’a pu échapper à son sort, sa maîtresse a elle été épargnée. Colleen Thompson, une femme flic du FBI affirmée et libérée sexuellement, va se charger de l’enquête. Face à l’assassinat d’une candidate ultra-conservatrice également très influente et puissante, Colleen va faire la connexion avec la première affaire. S’agirait-il de meurtres qui ont pour cible des personnes de pouvoir ? Au même moment, un suprématiste blanc est prêt à commettre un attentat dans une université. Celui qui revendique la domination de la race blanche est potentiellement un candidat à l’assassinat. Dans un autre état, un jeune geek s’improvise tueur à gages en faisant la démonstration de son talent en choisissant des victimes au hasard et en glissant une carte de visite avec ses coordonnées. C’est donc un polar avec des méandres où plusieurs intrigues vont tardivement se recouper. Le scénario est intelligemment construit avec cette analogie aux babouins et leurs hiérarchies, leurs règles, leurs conduites de domination à qui l’homme n’a rien à envier. C’est le modèle patriarcal de la société américaine et notamment ses relents ultra conservateurs qui sert de toile de fond à ce polar noir. L’histoire est glauque, d’une noirceur prenante avec un univers dur, violent, des personnages assez peu attachants mais dotés d’une psychologie bien décrite. Graphiquement, les encrages et les jeux d’ombres sont prononcés sur un dessin expressif. La bichromie utilisée pour chaque chapitre vient également appuyer cette ambiance générale pesante et cynique.
