L'histoire :
Le 9 mais 1945, au centre de commandement allié de Salzburg, en Autriche, un personnage hors du commun vient se constituer prisonnier. Il s’appelle Albert Göring et n’est, ni plus ni moins, que le frère cadet d’Hermann Göring, aviateur et héros de la première guerre mondiale. Il est un membre éminent et un dirigeant de premier plan du parti nazi et surtout commandant de la Luftwaffe et Reichsmarschall. Autant dire que le major Paul Kubala, en charge de son instruction, a du mal à croire aux propos de l’homme. Celui-ci se définit en effet comme anti-nazi de la première heure et avoue avoir sauvé des juifs de la déportation. Commence alors un long interrogatoire nous ramenant dans la jeunesse des deux frères, élevés par leur parrain, le chevalier Von Edenstein. Entre parties de chasse et contes germaniques, les deux enfants prendront pourtant des chemins très opposés. Même pendant le premier conflit mondial, où Hermann se couvre de gloire dans les airs, quand son frère subit l’enfer des tranchées. Mais c’est bien durant l’entre deux-guerre que leur destin bascule, avec la montée en puissance d’Adolf Hitler et du parti nazi. Car si Hermann, trouve en Hitler un véritable guide, Albert n’y voit lui, qu’un voyou. Or pour son plus grand malheur, il fréquente la même université qu’Heinrich Himmler, futur chef des SS, en section chimie (avant de trouver un poste dans la tristement célèbre usine IG Farben qui fournira aux nazis le Zyklon B). Son patronyme n’aide pas à prouver son innocence. Car il risque la peine de mort au jugement des criminels de guerre, de Nuremberg.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Étrange destin que celui d’Albert Göring, opposé en tout à son frère Hermann. Il fut aussi discret et humble que son aîné fut excentrique et expansif. Seule leur attirance commune pour les jolies femmes les rapprochait vraiment. Le scénariste Arnaud Le Gouëfflec sort de l’oubli cet homme que l’histoire, et même son pays, a eu du mal à réhabiliter, du fait d’un nom trop lourd à porter. D’ailleurs, le major américain qui l’interroge lorsqu’il se constitue prisonnier, ne peut croire en son innocence et invoque un sujet fascinant, qui « a érigé l’art de l’esquive et du trompe-l’œil en discipline olympique », et préconise son jugement au tribunal de Nuremberg. Le dessin, certes simple, de Steven Lejeune et les coloris pastels de Roberto Burgazzoli Cabrea se prêtent assez bien à l’épreuve de l’histoire de cet homme qui vécut après-guerre modestement dans un appartement, loin des splendeurs de son frère, et sans que son activité de Résistance fut pleinement reconnue. Ce n’est que depuis 2013 que son dossier a été ré-ouvert, en vue de lui décerner le titre de « Juste parmi les nations ». Comme quoi, deux frères issus du même sang peuvent avoir des destins diamétralement opposés…