L'histoire :
Tandis que le jour se lève, la reine (lionne) parle une nouvelle fois à son fils (lion) et tente d’exciter son ambition, depuis le balcon de leur palais royal. Son père le roi se fait vieux, son goût du sang s’affaiblit… Il noue même des alliances avec les nations voisines, puisqu’un ambassadeur (un cochon) des seigneurs du Nord – le roi ours des forêts, les seigneurs aigles des montagnes et l’empereur loup – est actuellement en visite d’état, sous bonne escorte d’une garde méfiante (des loups). Bref, il commence à être pressant que le prince envisage sa succession, puisque son frère ainé a échoué il y a quelques mois. Depuis sa tentative ratée de tuer le père, le premier fils est d’ailleurs embastillé dans une geôle obscure. Or le second fils a gagné une réputation de « faible ». Tel est son surnom dans le royaume et à l’extérieur. Hostile à toute alliance, la reine tente donc de manœuvrer son fils pour qu’il tue son père, comme c’est la coutume. Elle n’est pas la seule à comploter. Le trésorier royal (un zèbre) a même osé sortir de ses registres pour tenter de soudoyer des mercenaires afin qu’ils assassinent l’ambassadeur ! La première rencontre entre celui-ci et le roi se fait alors bien avant le dîner prévu, de manière impromptue, sur une place de marché…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On découvre d’emblée un contexte politique tordu et shakespearien. Dans ce royaume dominé par des lions, il est en effet coutume que le fils doive tuer son père pour prendre le trône. Mais s’il loupe son coup, il finit ses jours au fond d’une geôle putride (et obscure), comme c’est le cas de l’ainé, ici. Le hiatus original dans cette mécanique savoureuse, c’est que le second fils n’a aucune envie de tuer son père. Il l’aime sincèrement, et cet amour est bien supérieur à toute ambition royale. Cette affection pose presque un problème à son père qui vieillit et envisage son retrait… Il va leur falloir trouver un autre mode de transmission, qui confère à son fils la même légitimité que le paricide-régicide protocolaire ! Ne vous inquiétez pas, il y a des félons, des complots, des ennemis, des assassinats, des alliances étrangères fragiles, bref tout ce qu’il faut pour rivaliser avec les autres sagas politiques et guerrières du même acabit, à savoir l’évident Game of thrones en série TV, ou surtout Les 5 terres en matière de série BD zoomorphique. Une autre originalité peu évidente à manier : malgré leur quantité, les personnages n’ont pas de noms ! Ils ne sont désignés que par leurs fonctions ou leur taxonomie. Cette saga qui débute se montre ainsi riche et aboutie sur tous les plans. Outre l’intrigue shakespearienne perverse à souhait, les dialogues d’Herik Hanna sont soignés (presque trop « littéraires » par moment !) et le dessin de Redec particulièrement abouti. Expressifs, métaboliquement étudiés, disneyens, ses animaux anthropomorphes n’ont rien à envier aux meilleurs série du genre (Blacksad, De cape et de crocs, Le dixième peuple…) et les décors régulièrement spectaculaires, ainsi que la gestion de la lumière (par Lou) sont véritablement soignés. Attention, comme l’indique cette patte de lion ensanglantée en couverture, la série débute un peu violente et ne s’adresse donc pas trop aux plus jeunes. Une saga débute de la meilleure des manières. On a hâte de la voir se poursuivre, au moins sur deux futurs opus à venir.