L'histoire :
En août 1927, les maisons s’animent avant l’aube à la Bérarde, un hameau de l’Isère planté au pied de hauts sommets. Quelques villageois s’apprêtent en effet à reproduire l’exploit réalisé pile 50 ans plus tôt par le guide Gaspard et son équipée, avec le matériel d’époque ! Ils partent donc encordés vers le pic de la Meije et passent par tous les passages mythiques de cette ascension : le refuge du promontoire, la pierre humide, le pas du chat, le glacier carré, le cheval rouge… Une fois au sommet, le prêtre de la cordée dit une prière à la Mémoire des pionniers, puis les alpinistes entament la redescente. Cependant, la neige du glacier est plus molle l’après-midi et l’un des membres de l’équipe chute dans une crevasse. Etant donné qu’il était attaché, sa chute est sans gravité… mais elle lui permet de tomber nez à nez avec le cadavre congelé d’un jeune grimpeur, sans doute là depuis des lustres. Avant d’être hissé en dehors de la crevasse, l’alpiniste détache de la glace le sac à dos du mort. De retour à la Bérarde, les villageois examine le contenu du sac. Ils découvrent que le malheureux figé dans la glace est un anglais appelé Edward Trevor, venu participer 50 ans plus tôt à la conquête de la Meije. Dans son sketch book de fleurs séchées, ils découvrent qu’il avait vécu une idylle avec Mademoiselle Louise, l’institutrice, aujourd’hui une vieillarde, qui ne s’était jamais remise de ce qu’elle avait pris pour un abandon volontaire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La première optique de ce one-shot partiellement financé par la Communauté de Communes de l’Oisans, est pédagogique. Il s’agit de relater la conquête d’un sommet emblématique, La Meije (3983 mètres), situé dans le massif des Écrins (Isère). Ce pic est mythique car il ne dispose pas d’accès facile et de fait, il fut l’un des derniers grands sommets des Alpes à être conquis… Et il le fut par le guide Gaspard et Emmanuel Boileau de Castelnau, une cordée française, Môssieur ! Rappelons qu’à l’époque, la grande majorité des conquêtes alpines fut réalisée par des britanniques. La seconde optique reste avantageusement le divertissement, par le biais de la romance : ici, une superbe et tragique histoire d’amour vient se greffer à la conquête du sommet, par-delà le temps. Un cadavre congelé livre en effet ses secrets de cœur à une vieille institutrice, qui en ressort logiquement toute bouleversée. L’expédition commémorative se déroule donc au présent en 1927, mais elle s’entrecoupe de longs flashbacks revenant sur des détails (fictifs) de l’expédition (historique) de 1877. La scénariste Nelly Moriquand, originaire des Hautes-Alpes et fille d’alpiniste, a eu la bonne intuition d’entrelacer l’aventure amoureuse et l’exploit sportif. Ce parti-pris lui permet de trouver le juste milieu entre le ton professoral et l’eau de rose, sans jamais quitter l’adrénaline des pionniers. La réussite est aussi due au talent graphique de Fabien Lacaf (époux de Nelly Moriquand à la ville), qui ne ménage pas sa peine pour alterner les superbes plans panoramiques et dynamiser l’accomplissement de la vertigineuse entreprise par des angles variés, « à la hauteur ». Plus abouti et régulier que d’ordinaire, son style réaliste ne perd pas de sa spontanéité, toujours complété par une mise en couleur à l’aquarelle…
