L'histoire :
Novembre 1778, une cohorte de colons espagnols remonte de Mexico vers San Juan Pueblo (au Nouveau Mexique). Ils sont escortés par des « dragons », c’est-à-dire un corps de cavaliers munis de lances et vêtus de cuir. Parmi eux, le cadet Miguel de Sasoeta s’est légèrement épris d’une nonne française de la Nouvelle Orléans. Mais malgré son haut lignage, son supérieur le sergent El Chato le rabroue sans cesse et l’oblige à rester dans le rang. Tandis qu’ils avancent péniblement sur la piste poussiéreuse, en se méfiant des crotales, ils s’aperçoivent qu’ils sont observés de loin par des guerriers apaches. Ils doivent se méfier de ces indiens, contre lesquels ils sont en guerre. Mais ils connaissent le penchant pour l’alcool des indiens, alors ils laissent à leur intention quelques dames-jeannes de leur pire eau de vie. S’ils se saoulent, les apaches oublieront sans doute d’être agressifs. Hélas, les apaches ne sont pas nés de la dernière pluie. Ils savent que le mezcal embrume l’esprit et ils veulent rester « clairs » pour obtenir leur butin : une femme à marier. De loin, ils font mine de boire ; mais en réalité, ils continuent de suivre discrètement les espagnols, jusqu’à leur étape relai de Perpetuo Socorro. Et la nuit, tandis que les espagnols se repaissent et se reposent, ils passent à l’attaque, en silence et de sournoise façon…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En lisant le mot « Dragons » en titre, les lecteurs inattentifs se seront fourvoyé en déduisant qu’il s’agit d’une quête de fantasy et à ce qu’elle soit chapeautée par Jean-Luc Istin. Que nenni. Les dragons dont il est ici question appartiennent au corps de cavalerie espagnole qui était chargée de conquérir le Mexique, et dont les costumes étaient majoritairement en cuir. Nous sommes ici au moment des guerres d’indépendance américaine, en novembre 1778, mais l’action se situe en marge, plus au Sud, dans les régions encore sous occupation espagnole. En ces régions et à cette époque, les dragons espagnols dominaient l'Ouest sauvage américain. Pour lancer la problématique, lors d’un convoi vers la frontière américaine, nos militaires sont attaqués par des apaches. Suivant le caractère rustique de leurs mœurs, ces derniers enlèvent une nonne. Un amoureux transis et son supérieur se lancent donc dans un sauvetage héroïque… qui interviendra dans la seconde partie du diptyque annoncé. Le scénariste Gregorio Harriet arrange son récit pour qu’il focalise sur l’harnachement des dragons : le cuir protège partiellement des flèches apaches ; les longues lances permettent des assauts dignes de joutes médiévales. Mais il laisse surtout le souffle épique du sauvetage prendre le dessus à travers le dessin une nouvelle fois virtuose d’Ivan Gil. On avait cru le dessinateur des trilogies La bataille et Bérézina cantonné à l’ère napoléonienne… Il se rapproche ici des territoires du western avec brio, dévoilant beaucoup d’attention pour les cultures indiennes, les grands espaces arides et toujours ces panoramas dingues, avec charges de cavalerie spectaculaires. Servez-vous un ver(re) de mezcal et laissez-vous porter par le souffle épique du Sud-Ouest sauvage d’avant l’Ouest sauvage, en vous méfiant du bruit de crécelle caractéristique des crotales…
