L'histoire :
En 1835, s'achève sur la butte de l'étoile à Paris l'édification d'un gigantesque Arc de triomphe, initié 30 ans plus tôt sous le Premier Empire. En effet, c'est Napoléon Premier lui-même qui en décida la construction au lendemain de la victoire d'Austerlitz, haranguant ses troupes avec la phrase : « Vous rentrerez dans vos foyers en passant sous des arcs de triomphe ! ». Dans la foule des badauds qui s'émerveille du chantier, un homme à la pilosité grisonnante hirsute crie « Vive l'empereur » ! Un commissaire de police reconnaît Vingré, ancien caporal de la Grande Armée, surnommé le « Grognard fou ». Le sculpteur François Rude lit dans les traits de visage de ce vétéran l'inspiration pour son guerrier de la Marseillaise, l'une des plus majestueuse sculpture de l'Arc. Il l'embauche aussitôt en tant que gardien pour son atelier et modèle. Rude accueille Vingré à sa table, avec un bon dîner, et il lui fait ensuite une petite visite des œuvres prêtes à être montées sur le monument. Vingré s'émerveille notamment de la fresque du retour de l'armée d'Egypte : cela lui rappelle de fameux souvenirs, lui qui a été de toutes les batailles aux côtés de l'Empereur. La nuit suivante, alors qu'il est seul dans l'atelier, Vingré est surpris par un des anges égyptiens sculptés qui a pris vie ! Ce dernier est une sorte de génie, qui emmène le vieux soldat dans moult voyages spirituels autour des événements patriotiques majeurs pour lesquels l'Arc est devenu le symbole...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La vocation de cet album one-shot dédié à l'Arc de triomphe se veut évidemment un tantinet pédagogique. Les éditions Glénat s'associent d'ailleurs de nouveau avec les éditions du Patrimoine, avec lesquelles ils ont déjà focalisé sur L'abbaye de Cluny, le Panthéon ou la forteresse de Carcassonne. Comme souvent, pour éviter les affres rébarbatives d'une narration doctorale, le biais narratif sera celui du fantastique. Le scénariste Jean-Louis Fonteneau se raccroche en effet à un voyage onirique offert par les « esprits » de personnages sculptés, d'anciens soldats ayant participé aux grandes batailles de l'Histoire de France. Car le célèbre Arc est avant tout un symbole du patriotisme française, jonché de repères historiques au cours de ses deux siècles d'existence. Au fil de ces épisodes chronologiques, les « bons génies » s'étoffent donc de nouvelles recrues, et tous ensemble, ils servent de gardiens de la Mémoire sur le site. Le parti-pris de l'ésotérisme et la légèreté de ton se montrent certes un brin distant avec la solennité mémorielle... et surtout, ils participent d'un souffle narratif confus. Certes, le 46 planches standard était un format sans doute étriqué, et au moins Fonteneau cerne t-il parfaitement le cœur du sujet, le patriotisme, au cours de quatre époques. Tout d'abord, la construction tumultueuse est passée sous silence (les changements de régimes furent autant de coups d'arrêt) : le récit débute en 1835, à un an de l'inauguration. Les conquêtes napoléoniennes fondèrent l'inspiration première ; la première guerre mondiale offrit la flamme et le soldat inconnu ; lors de la seconde, l'Arc fut un symbole diversement utilisé pour les parades allemandes ou pour la Résistance ; enfin, à notre période contemporaine et touristique, les génies deviennent facétieux et, en contre-pied de ce symbole va-t-en-guerre, incitent à l'amour. Le flou de la direction narrative s'appuie néanmoins sur un dessin réaliste précis : Erik Arnoux et Chrys Millien forment un tandem très professionnel, que la diversité des contextes ne gêne aucunement. Au sortir de l'album, au moins les contours de ce célèbre monument, dont les origines et la symbolique sont paradoxalement peu connus des français, sont-il désormais plus distincts.