L'histoire :
Dans son bureau de Pau, en 1903, la vieille Eliza Huc rédige ses mémoires. Elle se souvient de sa jeunesse. En 1846, à l’âge de 18 ans, la mère supérieur du couvent dans lequel elle est internée, lui donne sa bénédiction pour sortir. Son grand-père vient la récupérer en charrette à la sortie de l’établissement. Eliza est moyennement ravie de revoir sa sale bobine. Mais en l’absence de son père, rentré à Paris pour raisons de santé, c’est lui qui dirige la plantation de canne à sucre. Chemin faisant, ils passent le long du port, sous un soleil radieux. Eliza assiste de loin au débarquement d’une grosse cuve dorée, destinée à la nouvelle usine concurrente. Dès lors, elle n’aura de cesse de vouloir voir cette usine, que le grand-père ne tient guère en estime. Mais Eliza a du caractère et elle tient tête à son grand-père. En faisant un tour à cheval de la plantation, elle constate que les méthodes sont toujours aussi barbares. Les contremaîtres fouettent les esclaves pour optimiser les rendements. Son regard croise alors celui d’un jeune marron, qui ne la laisse pas insensible. Elle s’arrange pour l’observer durant sa baignade dès le lendemain, perchée dans un arbre. Ils font connaissance et passent un deal. Elle veut qu’il lui fasse visiter l’usine ; il veut des chaussures…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce premier volume des Maîtres des îles, le scénariste Stéphane Piatzszek et le dessinateur Gilles Mezzomo offrent à leurs lecteurs une plongée historique dans les toutes dernières années de l’esclavagisme en France, ou plus précisément dans les colonies. Pour rappel culturel, l’esclavage fut aboli une première fois en 1794, puis partiellement rétabli par Napoléon (dans les colonies), puis totalement aboli en avril 1848. A travers cette première partie du diptyque prévu, la reconstitution historique est d’autant plus agréable que les latitudes sont exotiques, la météo au beau fixe et que le guide est une fraîche et dynamique jeune femme. Le romantisme teinté de tragédie pour teinte de fond ajoutent encore au souffle de l’épopée. Nous voici en effet en 1845 à la Martinique, aux côtés d’une Eliza Huc de caractère, dont le désir d’indépendance et de liberté sont quasi anachroniques au regard de son éducation religieuse et des mœurs de son temps. Elle défie son grand-père, totalement réac et violent, s’amourache d’un « neg’ » et subit de graves désillusions… La documentation est sérieuse, ça se sent autant à travers les dialogues (certains en créole, traduits) que dans la mise en scène de Mezzomo, pour une immersion crédible et poignante, sur 62 planches.