L'histoire :
Le rat d'égouts Victor suit les protagonistes tout au long de l'aventure. Il y a d'abord Jean Valjean, qui revient de 19 ans de bagne pour avoir volé un pain, puis tenté de s'évader. Il se dirige vers la ville de Digne, affamé. Il croise la route de l'évêque Myriel, qui l'accueille dans sa demeure. Ce dernier dédie sa vie aux pauvres, mais il n'en est pas moins fan de foot et enclin à se resservir un godet pour mieux apprécier les matchs sur sa TV 32 pouces. Jean ne peut résister à la tentation de voler sa télévision. Mais l'évêque lui sauve la mise lors de son arrestation, l'enjoignant désormais de faire partie du « camp du bien ». Puis il y a Fantine qui était si heureuse et qui profitait naïvement de la vie... Avant de tomber enceinte de Félix Tholomyès, qui la quitte ensuite, du jour au lendemain, sans ménagement. Quelques mois plus tard, dans la douleur, naîtra la pauvre petite Cosette, qui sera abandonnée par sa mère et asservie aux Thénardier... D'autres personnages, tels Javert, Marius et Gavroche, croiseront leurs routes, dans cette peinture tragique de la misère sociale au X(I)Xème siècle...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les adaptations des Misérables ne manquent pas. Cinéma, téléfilms, dessins animés, BD, comédies musicales, mangas et même jeux vidéo : tous les supports ont contribué à faire revivre de nombreuses fois le tragique destin de l'orpheline Cosette et les aventures de Jean Valjean. L'histoire était donc vue et revue... et pourtant. Avec cet épais volume à couverture de carton brut, Éric Salch ne cherche pas à nous la conter une fois de plus. Il nous propose une version décalée, drôle et presque poétique, adaptée de l'œuvre originale. Ainsi, sans travestir l'histoire, il parsème les cases d'anachronismes, d'absurdités et d'extravagances, pour introduire une dimension comique à la tragédie humaine et sociale. Les typographies sont grossières, les traits du dessin sont bruts avec des personnages stéréotypés, colorés et parfois pas très loin de la vulgarité, façon Reiser ou Vuillemin, ce qui peut être aussi vu comme un clin d'œil à l'argot des dialogues dans le roman originel. Les décors sont plein de petits détails croustillants (grosse moto, poupée Cynthia, couverture Marc Lévy…) qui feront sourire les lecteurs les plus observateurs. L'intérêt de cet album réside donc dans les dessins burlesques, mais surtout dans les dialogues cocasses, qui sont la patte de cet auteur complet. On peut presque comparer la dimension comique de cette lecture à la série Silex and the City, par sa façon de parodier une fresque romanesque avec la culture mainstream de notre époque. On regrettera néanmoins la simplification extrême du scénario pour le condenser en 192 pages, ce qui prive le lecteur de la profondeur (et peut-être un peu…) de l'intérêt de l'intrigue.