L'histoire :
En Espagne au XVIIème siècle, l’Eglise tremble devant les ravages d’une secte d’hérétiques dont les fondements reposent sur un mystérieux ouvrage : le traité des « Trois imposteurs ». En effet, les « admirateurs du serpent » ont renié Dieu et s’appuient sur des pratiques libertines pour capter de nouvelles recrues. Le fringant capitan Don Carlos, soldat de la couronne, impute à cette secte la mort de sa sœur. Animé par le désir de vengeance, il est devenu l’un des bras armés du Saint-Office espagnol et cherche à supprimer l’une des têtes de cette mouvance : Don Juan Tenorio, anagramme du « Juda non notoire ». L’idée lui est néanmoins difficile, car il a une dette d’honneur envers ce sulfureux personnage. Comme en plus, il est lui-même un « conversos », c'est-à-dire un juif converti à la foi chrétienne, il est surveillé de près par Esteban, un fidèle soldat de l’inquisiteur Diego. Ensemble, ils traquent deux français sodomites se réclamant de Don Juan Tenorio, jusqu’en Catalogne, espérant remonter jusqu’à la tête. Pendant ce temps, le légat du Pape échoue à interroger Don Diego Tenorio, père de Don Juan. Ce dernier est en effet le protégé du duc de Lerma, favori du roi Philippe III et véritable gouvernant d’Espagne…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la suite logique du premier tome, le héros, initialement de foi chrétienne, poursuit sa quête de vérité. Tantôt manipulé, tantôt clairvoyant, Don Carlos commence à prendre la mesure des enjeux colossaux auxquels il est confrontés, à un siècle où l’Eglise sent sa toute-puissance vaciller en Europe. Pour leur première entrée dans le monde du 9e art, les auteurs s’attaquent assez brillamment à un sujet qui a le vent en poupe (cf Le triangle secret, INRI, Le messager, Le 3e testament…), au sein d’une collection en revanche plus instable. Si le récit de Christophe Lemoine est une fiction, il s’appuie néanmoins sur des faits historiques très didactiques. Des pratiques machiavéliques et impitoyables des inquisiteurs, au légendaire traité blasphématoire dont il est question (on lui imputerait même l’esprit anticlérical de la révolution), les bases sont solides et contribuent à rendre l’intrigue parfaitement haletante. Rythmés, limpides, passionnants, les faits sont abordés sans fausse pudeur mais sans voyeurisme non plus. Et dès lors qu’on apprend l’identité des fameux « trois imposteurs », l’intensité s’en trouve décuplée ! Au dessin, Jean-Marie Woehrel met l’ensemble en images à l’aide d’un style réaliste précis et détaillé. Peut-être juste son trait (trop ?) appliqué manque t-il de spontanéité ? Sans doute ses encrages auraient-ils été mieux mis en valeurs avec une colorisation plus sobre… Cela ne gâche en rien le plaisir de lire (enfin) un bon thriller ésotérique et historique !