L'histoire :
Pour avoir pris une initiative sur une chaîne de fabrication de grille-pains qui se déréglait, Arsène est renvoyé de son travail sans autre forme de procès. Il rentre annoncer la nouvelle à sa sœur avec qui il partage un appartement. Il vient de perdre tout moyen de subsistance, il lui sera impossible de retrouver un job dans l’immense Atelier Universel qui contrôle toutes les usines de la ville. Le lendemain, assis à son poste de travail dans la société de surveillance « Les Yeux Doux », Anatole Souclavier montre à nouveau ses talents d’employé modèle. Parmi les dizaines d’écrans devant ses yeux, il détecte une jeune femme qui vole un fruit sur un étalage. L’alerte est donnée immédiatement, la voleuse arrêtée par deux agents des forces de l’ordre. Mais la nuit suivante, Anatole ne parvient pas à trouver le sommeil. Le visage de la jeune femme le hante, c’est la première fois que cela lui arrive. Le lendemain il prend une décision qui va changer le cours de sa vie : il va tenter de faire innocenter l’inconnue en trafiquant la vidéo de surveillance...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Michel Colline et Eric Corbeyran se sont parfaitement trouvés sur cette histoire futuriste et rétro à la fois, qui décrit un monde orwellien où les citoyens vivent sans aucune liberté, dominés par un système qui contrôle leurs moindres faits et gestes. Le dessinateur donne le ton de cette aventure étonnante avec des pages d’introduction magnifiques. La ville immense, l’usine avec ses chaînes de production qui traversent l’espace dans tous les sens, puis Arsène au milieu de la foule, qui vient de perdre son seul moyen de subsistance. L’univers visuel est fascinant, immersif et délibérément un peu daté, ce qui accentue l’idée de l’hommage à l’univers de 1984. Le très expérimenté Eric Corbeyran articule son récit avec beaucoup de fluidité, les dialogues sont simples mais les personnages attachants. Il ajoute une touche de poésie dans les évènements, comme ce moment où Arsène devient réellement invisible. Chaque moment de tension est sublimé par les idées visuelles de Colline, ses personnages aux silhouettes un peu décalées évoluent dans des décors qui prennent part à l’émotion du moment. C’est un beau one-shot, inattendu, qui captive dès sa première page, dans un style semi-réaliste foisonnant parfaitement maîtrisé.