L'histoire :
Décharge radioactive à perte de vue, véritable planète poubelle, Libera a été abandonnée par les humains après qu’ils en eurent extirpé les moindres ressources. Ne subsistent plus à la surface qu’une poignée de mutants, des êtres monstrueux quasiment décérébrés, dont l’unique préoccupation consiste à rechercher de la nourriture pour se sustenter. En orbite autour de la planète, tourne Danubia, un satellite artificiel civilisé et raffiné, contrôlé par une intelligence artificielle, Memomater, et habité par des humains de caste supérieure, c'est-à-dire génétiquement purs. Au conseil des castes, le sujet du moment est la relance de l’exploitation de Libera, qui offre encore un potentiel de ressource prometteur. Mais avant cela, il faut l’épurer de sa population de mutants dégénérés. En marge de ces préoccupations politiques qui la désintéressent, Asia, une jeune fille de bonne famille, découvre qu’elle aurait eu un petit frère, bien des années auparavant. En raison d’un profil génétique corrompu, ses parents s’en seraient débarrassés sur Libera pour éviter que le déshonneur ne vienne ternir l’ambition politique du chef de famille…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier épisode de cette nouvelle série de pure SF nous fait découvrir un futur particulièrement peu enviable. Si la contamination jusqu’à la moelle de la planète Libera se rapproche de l’univers de Septentryon, par contraste, la société de caste de Danubia rappelle plus la civilisation « raffinée » du Cycle de Cyann. Le graphisme de Silvio Cadelo est à classer quelque part entre ces deux séries cultes de SF. A l’aide d’un trait fin et précis, peut-être parfois un peu statique, Cadelo met en image les deux mondes antinomiques imaginés par Pierre Boisserie, dont l’un vise évidemment l’exploitation définitive de l’autre. Inventé pour l’occasion par le scénariste, le langage simpliste des mutants rend à merveille l’état intellectuel de cette population décérébrée. En réitérant toujours les mêmes expressions figées et phonétiques, il fait en outre un clin d’œil involontaire à notre langage SMS actuel, tout aussi consternant. Mais Boisserie met avant tout en exergue au cœur du récit, l’homme qui renie ses racines, après les avoir corrompues. Assisterons-nous à un sursaut d’humanité ou n’y a-t-il aucune rédemption possible ? Au terme de cette mise en bouche prometteuse, l’intervention d’Asia semble la seule échappatoire, au milieu d’un schéma autodestructif classique et néanmoins très actuel…