L'histoire :
A la mort de sa compagne, le français Sam s’expatrie à New York, dans le centre névralgique de cette ville, sans doute du pays, peut-être même du monde : Manhattan. Sous prétexte d’un reportage payé par le journal qu’il a contribué à créer, il va passer deux mois à fixer ses contemporains sur pellicule, dans les multiples lieux de la ville. Car Sam est avant tout photographe, même s’il a décidé de pondre un reportage écrit pour la première fois. Surtout, il va faire cela en observateur ultime, c’est-à-dire sans jamais parler avec qui que ce soit : Sam a fait vœux de silence. De fait, il s’est vissé un casque audio sur les oreilles et tend des petits papiers à tous les gens qu’il doit solliciter : « Je suis sourd, pas la peine de me parler, merci. ». La seule personne avec laquelle il s’octroie le droit de communiquer, c’est Jorge, son meilleur ami et rédac’chef. Mais uniquement par tchat, sur Internet, et le matin, car Jorge est resté à Paris. Ainsi passent les journées, jusqu’à ce Sam remarque un phénomène curieux. Sur une trop grosse quantité des photos qu’il fait tirer, se trouve une même jeune femme, rousse, qui passe comme un quidam parmi la foule. C’est intriguant. Sam se met à enquêter, sans y aller franchement, car il compte bien respecter son vœu de silence…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Manhattan Murmures, Giacomo Bevilacqua livre tout à la fois une histoire d’amour différente des autres, une introspection sociale au cœur de l’un des cœurs urbains de la planète et une (petite) réflexion sur les mécanismes à l’œuvre sur la destinée humaine. En suivant les pensées du personnage central, Sam, on découvre tout d’abord le contexte : un besoin de deuil, une expatriation volontaire, un vœu de silence absolu, un vague reportage en guise de point de départ… En raison de ce vœu de silence, ce héros standard soliloque avec lui-même. Il n’y aura pas le moindre phylactère, seuls des encadrés narratifs tiennent lieu de dialogues, sur la totalité des presque 200 pages du bouquin. Pour éviter la monotonie, ces pensées sont certes parfois celles de Joan, la jeune femme que Sam rencontrera… sans qu’on le sache au départ. Mais le vaste quartier de Manhattan demeure le personnage principal de ce one-shot, dont le terme de « roman graphique » convient on ne peut mieux. Bevilacqua offre une véritable ode à cette ville, en dessinant d’innombrables quartiers et points de vue. Les musées, Central Park, la bibliothèque, les buildings, la vie de quartiers, la mentalité ouverte et cosmopolite sont rendus de manière plutôt réaliste à la palette graphique… Tout le reste ne semble que prétexte. Les fans de cette ville apprécieront ; les autres voyageront, sans s’emballer tout à fait sur l’histoire d’amour d’un couple de français expatriés, qui sort certes de la norme, mais sans transcender le monumental registre sentimental.
