L'histoire :
Au Mexique, dans une bâtisse au bord de l'eau, des femmes s’attellent au lavage du linge. L'une d'elle s'affaire à préparer des tortillas. Ayant besoin d'ingrédients et ayant les mains dans la pâte, elle s'égosille à appeler ce pauvre Pedro. Ne le voyant pas venir, cette dernière, furieuse, va le chercher en criant son nom dans toute la maisonnée. D'un pas vif, elle entre dans une pièce, pensant tomber sur Pedro... mais face à elle, lui fait face un homme inconnu. Il a le visage écorché vif, une bêche à la main et regarde la femme en silence. Cette dernière estomaqué n'arrive pas à dire un mot mais se retourne et sort de la bâtisse en courant. Dans la maison d'à coté, trois contremaîtres racontent leurs exploits jusqu'au moment où un hurlement perturbe leur conversation. En sortant à l'air libre, ils voient une femme courir et un homme qui la pourchasse avec une bêche en l'air. Le premier coup de bêche manque la femme de peu, qui s'écroule tout de même et se retrouve sur le dos face à son assaillant. Ce dernier n'a même pas le temps de relever son outil qu'un coup de feu retentit. Un des contremaître a tiré avec son six coups. En s'approchant, les hommes sont surpris de voir le visage du Calaveras. Cet homme n'est pas un cas isolé, un peu plus loin, une horde d'hommes et de femmes avec les visages écorchés vifs prennent d'assaut une hacienda...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet album est assez particulier dans le sens où il y a un fort déséquilibre entre le scénario et le dessin. A la lecture des 110 planches, le scénario nous guide et nous renseigne sur les croyances mexicaines et leur rapport à la mort. Ces Cavaleras sans visage tuent de façon désordonnée et avec froideur, tel des zombies. La comparaison avec les revenants d'outre tombe s’arrête là. Malgré tout, l'album est très rythmé et le lecteur est pris dans cette course effrénée pour la survie afin d'échapper aux têtes de morts. Le scénario est basé sur l'action pure, sans double lecture qui tiendrait son spectateur en haleine, à défaut de la perdre dans cette fuite vers l'avant. Le découpage des planches est traditionnel, cependant l'histoire est découpée en scènes plus ou moins longues, à la façon d'un script de film. Le début de l'album, avec la prise de l'hacienda, est assez caractéristique du choix scénaristique de l'auteur, car l'attaque est vue par trois groupes sociaux différents, et découpée ainsi : les bourgeois, les bonnes et les contremaîtres. Une façon de faire peu conventionnelle, qui amène une certaine plus-value à l’immersion dans l'histoire. Au niveau du dessin, Pierre Place montre un trait réaliste et très détaillé, même sur les cases de paysages. Une mention artistique spéciale est la très belle double page montrant deux Calaveras sur leur chevaux tenant un six coup à la main, fonçant au galop sous la pluie. La détermination se lit sur leurs visages livides, sans autre émotion que leur regards. Les animaux sont extrêmement bien détaillés et proportionnés. Graphiquement ce western mexicain est vraiment très beau. Ainsi, même si le scénario, axé sur les croyances mexicaines, se résume à un épisode de courses effrénées pour la survie, le dessin sublime vraiment l'album et mérite le coup d’œil.