L'histoire :
Lauriane se rappelle qu'elle adorait l'école. Enfin, surtout la maternelle. Elle appréciait énormément sa maîtresse, qui veillait sur elle, la protégeait, la rassurait. Avec elle, elle apprenait une multitude de choses. Alors, lorsque celle-ci leur parle de l'année à venir et de l'entrée en CP comme d'une fabuleuse découverte, où ils vont pouvoir apprendre la super force de la lecture et le méga pouvoir de l'écriture, Lauriane a envie d'y croire. Mais elle est surtout très triste de ne plus voir sa maîtresse tous les jours. Les vacances d'été passent et l'heure de la rentrée approche. Sa maman s'apprête à la réveiller, encore elle-même un peu endormie. Mais Lauriane n'est plus dans son lit. Toute la famille a la surprise de la voir déjà prête à partir, cartable sur le dos, un grand sourire sur son visage. Le CP, c'est débord des révélations pour l'enfant : Lauriane apprend à écrire, à compter, à lire. Mais paradoxalement, elle apprend aussi à se taire, à dissimuler. Tout est un peu flou dans sa tête, mais elle se rappelle de ce nouveau maître. Imposant, terrifiant, tétanisant. Il inspirait la terreur. Abusait des enfants, en les laissant sans voix. Lauriane, d'ailleurs, ne comprend pas, les adultes offrent des cadeaux à ce maître, ils le trouvent super... Elle change de comportement, devient agressive et triste. Elle a honte. Mais elle ne peut s'exprimer. Tout bascule pour elle l'année où sa sœur entre à son tour en classe de CP. Et se retrouve avec le même enseignant...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Lauriane Chapeau collabore pour ce nouvel album avec Violette Benilan, qui signe sa première bande dessinée. Elle est une proche de la scénariste et a été témoin de son histoire personnelle, ici livrée. En effet, Lauriane a été abusée par son enseignant de CP lorsqu'elle était enfant. Elle s'est alors murée dans le silence, incapable de parler. Elle a vu sa sœur passer par le même chemin, la même descente aux enfers, mais elle a pu libérer la parole et a ainsi enclenché une démarche en justice. Lauriane a mis du temps avant de pouvoir s'exprimer. Elle raconte les phases par lesquelles elle est passée, jusqu'à sa reconstruction en tant que femme, en tant que mère et en tant qu'enseignante. Elle illustre cette introspection par un dialogue entre la femme qu'elle est aujourd'hui et l'enfant qu'elle était hier. A travers cette BD, on sent une volonté d'alerter, de se libérer. L'illustratrice a opté pour un dessin en noir et blanc, très brut, mais assez rond, qui modère la dureté du témoignage, sans pour autant le minimiser. Elle se permet aussi des changements de mise en page, alternant les pleines pages, en mettant le texte en avant, ou en revenant sur une planche avec un gaufrier classique. Il persiste toutefois une certaine confusion dans la trame narrative, qui va de pair avec ce qu'a pu vivre l'autrice, mais qui peut aussi perdre le lecteur. Cette bande dessinée permet de parler d'un sujet encore tabou (la pédophilie), de libérer la parole. Elle montre le long chemin de la reconstruction.