L'histoire :
Une violente guerre met face à face deux armées redoutables : celle d’Alvar et celle d’un sale envahisseur. Dans cet océan de fureur et cette mer de sang, Alvar est atteint à l’aisselle par une flèche ennemie. Pendant que les combats font rage, Alvar bat en retraite, épaulé par un fidèle serviteur, son cousin. Sentant la mort approcher et le combat perdu, Alvar lui propose un marché. En échange de son armure et de son casque, le cousin jure, une fois l’armée ennemie vaincue, de revenir avec l’épouse d’Alvar afin que celui-ci reprenne sa place. Soudain, habité par l’hubris, le cousin décide d’usurper l’identité d’Alvar afin de goûter, lui aussi, à l’ivresse du pouvoir. Recueilli par une paysanne, Alvar va être soignée et nourri. Ayant perdu la raison, le roi donne à cette paysanne, qu’il croit être sa femme, une fille. Dix ans plus tard, Alvar revient à la raison et décide de partir à la conquête de son trône, désormais occupé par son cousin…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une chose est sûre : Alessandro Jodorowski sait s’entourer de dessinateurs talentueux. Après Moebius, Manara, Théo et bien d’autres, le scénariste collabore cette fois-ci avec un dessinateur asiatique, Dongzi Liu, aguerri au manhua, le manga chinois. Le dessin, admirable de bout en bout, est servi par un trait ultra dynamique, réaliste et précis. Les scènes de guerre, barbares à souhait, sont impressionnantes ! Mais cette qualité est aussi un défaut. Car la perfection du trait et des couleurs vient par moment saturer la perception du lecteur, tant ce graphisme, cru et classieux à la fois, montre tout, ne suggère jamais. A côté de cette claque graphique (certaines cases sont de véritables tableaux), il faut bien le reconnaître, le scénario est un ton en dessous. On le sait, Jodorowski fait rarement dans la finesse (voir Borgia ou Le pape terrible) et il le prouve une nouvelle fois. Au programme, les thématiques classiques de son œuvre : violence crue, désir d’inceste, passions radicales, transgression morale, trahisons… Jodo fait du Jodo ! Le récit pourra lasser ou séduire, c’est selon. Mais, à ressasser les mêmes thèmes, l’auteur finit par les banaliser. Quant à la force subversive du propos, elle finit, elle aussi, par perdre en intensité. Pour notre part, on retiendra l’efficacité de la mécanique, la beauté du dessin, mais aussi la paresse du scénario, finalement un peu léger et très classique. Il est naturel d’en attendre plus de l’auteur de L’Incal ou de Borgia. Le constat est celui d’un album agréable mais bancal. Alors, pour reprendre le terme de l’éditeur : un récit « shakespearien », sûrement pas, une œuvre « jodorowskienne », sans nul doute…