L'histoire :
Alors qu’il visite une ferme spécialisée dans la polyculture en Belgique, Florian Brunet, blogueur et éco-activiste, fait la connaissance de Jess, experte en réseaux sociaux et pirate informatique. Lors de ce week-end, Florian apprend aussi les incroyables nouvelles techniques d’influences de leurs ennemis lobbyistes en faveur de l’agrochimie. Si la polyculture leur semble un modèle idéal à démultiplier, Florian et ses amis sont aussi conscients du risque que ce mode d’agriculture représente, au regard des phénomènes climatiques extrêmes de moins en moins exceptionnels. Le soir venu, Florian poste un article assassin contre son puissant ennemi, Misaint, qui vient de tenter d’empoisonner le professeur Geoffroy Serein à Londres. Deux jours plus tard, Florian est contacté par un fan qui le suit assidument sur les réseaux, dont le pseudo est « Bio for everyone ». Il lui donne un mystérieux rendez-vous dans un aérodrome. A l’arrivée, Florian fait la connaissance d’un type en costard qui le menace d’une arme (factice) pour le faire monter dans un jet privé ! Florian se retrouve ainsi à survoler les immenses champs de serres plastique en Andalousie. Quelle horreur ! Une fois à terre, l’homme fait faire une visite sauvage d’une serre, entretenue par des clandestins, avec des méthodes « bio » contestables. Car ici, tous les légumes produits en masse sont sans saveur et néanmoins certifiés « bio ». Cette agriculture bio dont Florian est l’ardent défenseur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici le dernier épisode des Seigneurs de la terre, une série dans la même veine que bien d’autres sagas familiales et industrielles dont Glénat s’est fait la spécialité, comme Les maîtres de l’orge, Château Bordeaux, Flor de luna, Diamants… A la grande différence qu’ici, le propos est précisément critique envers les process industriels, étant donné qu’il s’agit de l’agronomie. L’écrivain activiste Fabien Rodhain dépeint en effet un tableau particulièrement amer de la manière dont l’humanité produit ce qu’elle mange. Une voie qui nous mène actuellement droit dans le mur. En ligne de mire : l’agriculture intensive, les multinationales qui verrouillent les producteurs avec leurs semences, leurs pesticides… et pour ne pas la nommer, la puissante Monsanto, désormais Bayer, producteur du célèbre herbicide Roundup (ancien agent orange bombardé au Vietnam). Evidemment, le chimiste est ici renommé Misaint et Yaberk, mais l’intrigue de cette série est un alter-ego de l’Histoire en marche. La destinée familiale a certes un petit côté « soap », mais cette dimension légèrement cousue de fil blanc est aussi un biais pour distribuer un maximum de clés pédagogiques, sans tomber dans la dénonciation facile et le manichéisme. Au cœur de la problématique au début de ce tome : la certification bio. Assure-t-elle une production réellement écologique ? Les méthodes alternatives « vraiment bio » ont aussi leurs contreparties et celles-ci dépassent le simple cadre de la rentabilité (les phénomènes climatiques extrêmes sont fatals). Rodhain pointe aussi les méthodes pernicieuses des multinationales, dont la plus utilisée est la compromission. Comme tout un chacun, notre vertueux héros a ses petites faiblesses et il se retrouve ainsi corrompu. Une bien mauvaise publicité lui est aussitôt faite sur la scène médiatique, afin de le discréditer sur le long terme. Ça ne vous rappellerait pas quelques actus récentes ? Il est souvent plus facile de retourner ou discréditer un ennemi que de le combattre. Cette saga fait d’autant plus froid dans le dos qu’elle s’ancre dans l’actualité proche, avec des acteurs politiques en place. Le fond est tellement capital, qu’on en oublierait presque de parler de la forme. Sur un dessin réaliste de première bourre, Luca Malisan a très sérieusement et rigoureusement tenu le cap. Les seigneurs de la terre est désormais terminé au terme de 6 tomes qui auront permis de faire le portrait exhaustif et alarmiste d’un problème environnemental primordial… et de ses solutions ! S’il vous arrive de manger, lisez cette saga : tout est vrai et extrêmement préoccupant.