L'histoire :
En 1917, alors la Grande Guerre s’enlise dans les tranchées, un obscur jeu de pouvoir se noue au sommet de l’état français. A la tête de son journal L’homme enchaîné, Georges Clémenceau, surnommé « le Tigre », est en effet prêt à tout pour renverser le président du conseil Joseph Caillaux. Un message codé en caractères minuscules, imprimés derrière le timbre d’une carte postale du Moulin Rouge, devient alors un enjeu crucial. Cet élément permettrait au Tigre de dénoncer Caillaux et son amie Célestine Zarkoff, à la tête d’une entreprise d’armement, pour alliance avec l’ennemi. Casella, un « reporter » de Clémenceau, braque une boîte aux lettres pour s’emparer de la carte. Il est aussitôt pris en chasse par des allemands. Le lendemain, Clémenceau embauche un sulfureux personnage, Silas Corey, pour retrouver Casella. Officiellement détective, Corey est aussi roublard que brillant dans ses capacités d’analyse. Il trouve immédiatement la ligne téléphonique de Clémenceau sur écoute. En suivant le fil, il tombe évidemment sur les services de renseignement de l’armée française. Il ne perd pas le nord et se fait aussi embaucher par eux (contre un second gros salaire) pour retrouver Casella, endossant donc la casquette d’agent double…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le dessinateur Pierre Alary ne quitte pas vraiment les espions historiques : après Belladone, son coup de crayon dynamique et si agréable anime Silas Corey, agent double, voire triple, au service de lui-même, dans le cadre de la Grande Guerre. Le registre de l’espionnage a pourtant souvent de quoi perdre ses lecteurs, et nombre d’ouvrages nous en rappellent les écueils chaque année. Heureusement, le scénario de cette nouvelle série est mitonné et « fluidifié » par l’un des meilleurs narrateurs de ce début de XXIème siècle, Fabien Nury, criblé de prix et d’éloges pour Il était une fois en France. Lui-même ne quitte donc pas vraiment le milieu des agents doubles en temps de guerre, avec ce détective-espion qui pourrait avoir appris son métier des mémoires de Talleyrand. Dans ce premier opus, le perspicace et sulfureux Corey court après une preuve – une carte postale et son timbre – qui trahirait le gouvernement Caillaux, au bénéfice de Clémenceau. Or cet homme distingué, déterminé et culotté, pactise systématiquement avec les obstacles qu’il rencontre, en tirant au passage le profit maximal. Son arrogance et son intelligence en font un personnage attachant ; les enjeux politiques de l’époque offrent quant à eux le cadre idoine de hautes tensions. Les 62 planches constituant la mise en bouche de ce (premier ?) diptyque se révèlent donc très agréables à suivre, prestement rythmées, truffées de truculentes trouvailles et répliques (celle de la page 26 est hénaurme)…