L'histoire :
Byzance, dans un avenir proche et décalé de notre réalité. En cette ère, les attentats du 11 septembre 2001 ont été le catalyseur d’une révolution politique phénoménale : le capitalisme mondial a été éradiqué au profit de l’« Utopie fondamentaliste ». A la fois modèle de société et religion, cette organisation régit la vie des hommes sur les ¾ de la planète, selon des règles strictes et policières. Notamment, les femmes ne sauraient se montrer en public sans voiles, et la simple liberté d’envisager un tiers modèle social est considérée comme une déviance grave. Dans cet environnement paradoxalement paisible, Zack Kosinski exerce une activité professionnelle en tant que prescient, c'est-à-dire qu’il est chargé d’administrer, par transmission de pensée, les conséquences des « fantasmes » politiques des déviants. En bref, il éradique dans l’œuf les idéaux révolutionnaires des opposants au régime, sans effusion de sang. Pourtant, un mandat d’arrêt est soudain lancé à son encontre. Il semble savoir pourquoi et s’enfuit. Sa cavale l’amène à rencontrer Emily, une jeune femme qui a abandonné le foyer conjugal au moment où elle allait être défigurée à l’acide par son époux. Elle venait en effet d’apprendre les écarts conjugaux de ce dernier et risquait potentiellement de lui porter préjudice…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Décidemment, pour son entrée dans le catalogue Glénat, Eric Corbeyran frappe fort. Après un premier opus de Backworld, mettant en place un récit d’anticipation prometteur, le voilà à la tête d’une nouvelle « série concept » comme les affectionne Glénat (Le décalogue, Voyageur…). Cette ambitieuse Uchronie se composera à terme de 3 trilogies développées en parallèle (New Byzance est dessiné par Eric Chabbert ; New Harlem prévu pour mars sera dessiné par Tibery), avant qu’un unique 10e tome vienne parachever l’ensemble. Retenons pour commencer le joli dessin réaliste d’Eric Chabbert (+ une colorisation chiadée) (+ une superbe couverture signée Richard Guérineau !). Chabbert nous gratifie de vues orientales futuristes détaillées et profondes, qui raviront les amateurs d’anticipation. Côté récit, Corbeyran nous soumet une société qui aurait adopté l’idéologie de Ben Laden : asservissement total de la femme, abolition du capitalisme, dictat de l’idéologie fondamentaliste… Cette organisation sociale abominable débouche sur des mœurs certes moyennement réalistes (?), mais là n’est pas le but de la démarche : le scénariste va avant tout au bout d’un postulat politique intéressant et ambitieux, peut-être un tantinet prétentieux. N’y voyez pourtant ni utopie déplacée, ni misogynie latente (un monde en paix serait celui qui a réduit les femmes en esclavage ?). Il faut considérer ce regard non comme un propos révolutionnaire, mais plutôt comme une « naïve » remise en cause de notre système. Et bien malin qui peut prédire aujourd’hui si cette approche alternative traduira au final une quelconque orientation idéologique… Pour connaître la finalité de la série, il faudrait avoir déjà en main les 10 tomes prévus : c’est encore une utopie. En outre, on n’englobe pas encore tout le potentiel fantastique d’un personnage tel que Zack, présenté comme prescient, c'est-à-dire capable de voir d’autres réalités que la notre. Serait-il un fil rouge aux trois séries ? Sans compter que le cliffhanger est pour le moins déroutant…