L'histoire :
De nos jours, Jeff effectue une cure psychique dans un centre de repos. Ce jeune cadre dynamique dans l’industrie pharmaceutique a bien besoin de faire le vide avant de retourner jongler avec les millions. Mais dans l’institut de Mulhouse où il se retrouve, un vieux voisin de palier l’intrigue et se met à raconter ses démons. Aujourd’hui au crépuscule de sa vie, François Engel était adolescent au moment de la seconde guerre mondiale. Et alors que l’Alsace avait été annexée par le IIIème Reich, il s’était engagé de toute son âme dans les jeunesse hitlérienne… en totale contradiction avec le reste de sa famille. Sa grande sœur Fina faisait de la Résistance active. Son grand frère Antoine était revenu du front dans un état second ; il s’était entièrement consacré au renouveau du vignoble familial, avec l’ambition de réussir des techniques révolutionnaires. Leur père se sentait plus français qu’allemand… mais il avait avant tout essayé de paraître neutre, afin de continuer à assurer la cohérence de la famille. Peine perdu, il avait été déporté, tout d’abord à Schirmeck… puis envoyé à Dachau. Fina se sentait perdue au milieu d’une famille qui explosait et d’une entreprise familiale qui réclamait beaucoup d’efforts…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une famille en guerre n’est évidemment pas la première série à mettre en scène les divisions entre collabos et résistants durant la seconde guerre mondiale. Ce n’est pas non plus la première qui aborde le sujet des « Malgré nous », c’est-à-dire les alsaciens enrôlés de force dans l’armée du Reich pour défendre leur nouvelle patrie qu’ils rejettent contre l’ancienne qu’ils voulaient plutôt défendre. Ou plutôt l’ancienne nouvelle, ou la nouvelle ancienne… Car entre 1870 et 1945, l’Alsace a changé 4 fois de « propriétaire ». Ce droit du sol ou ce sentiment intime d’appartenance patriotique fait d’autant plus sens aujourd’hui que russes et ukrainiennes se déchirent pour la légitimité historique et controversée du Dombas ou de la Crimée. Revenons à notre famille Engel, qui n’a rien à voir avec le philosophe éponyme : leur artisanat familial à eux, c’est le vin. La fracture est surtout sévère entre la jeune femme Fina, qui a les nazis en détestation et son plus jeune frère François, SS en puissance, qui se délecte de plus en plus du pouvoir accordé par les jeunesses hitlériennes. Evidemment, avec l’aggravation de la guerre, les divisions s’accentuent irrémédiablement. Et il faut s’attendre à ce que ça finisse mal. Le scénario de Stéphane Piatzsek évite l’écueil du manichéisme facile et s’appuie sur le dessin semi-réaliste, abouti et documenté d’Espé pour accorder la juste dimension psychologique aux personnages, tiraillés, crédibles, auxquels on s’attache quel que soit leur engagement.